I don't want a cab, I want the catbus!

La soirée se terminait petit à petit alors que la boîte de nuit se vidait. Il devait être quatre voire même cinq heure du matin, et elles avaient dansé toute la nuit comme des folles sur des rythmes endiablés, tout en buvant cocktails et champagne, souvent offerts par des hommes qui tentaient plus ou moins subtilement de les draguer, dans l’espoir qu’elles finiraient la nuit dans leur lit (et ensemble tant qu’à faire). C’était mal connaître Aliyah et Echo. Elles étaient plutôt du genre à en profiter puis à rembarrer les mecs quand ils devenaient trop lourds. Parce que Echo était en couple, d’abord, puis Aliyah n’aimait simplement pas les lourdingues, et c’était un spécimen particulièrement répandu en boîte de nuit.

La fatigue eut raison d’elles, et elles quittèrent le night club, bras dessus bras dessous, se soutenant mutuellement pour ne pas s’écraser lamentablement sur la chaussée. Oui, elles avaient beaucoup bu, sans doute un peu trop, mais c’était souvent comme ça quand elles faisaient une sortie ensemble. Le vigile les regarda s’éloigner d’un air blasé, il en avait sans doute vu d’autres. Leurs chaussures à talons en main, elle marchaient pieds nus sur la chaussée, il valait mieux ça que de se tordre une cheville sur leurs hauts talons, vu la démarche plus qu’approximative qu’elles avaient. Elles finirent par se laisser choir sur un banc, à un arrêt de bus. Puis, dans un sursaut de lucidité, appelèrent un taxi pour rentrer chez elles à Pasadena.

La tête d’Echo pesait lourdement sur l’épaule d’Aliyah, qui fixait le vide sans le voir. Elle laissa échapper un soupir puis ferma les yeux quelques instants, avant d’être prise d’un fou rire quasi-incontrôlable et sans véritable raison. Elle était juste euphorique, sans doute à cause de l’alcool, et il y avait peu de risque qu’Echo la prenne pour une cinglée, elle devait être dans le même état qu’elle.

« Imagine, au lieu d’un taxi, c’est le chat-bus qui vient nous chercher. » lança-t-elle finalement à son amie en riant doucement de son idée. Echo lui jeta un coup d’œil plein d’incompréhension qui ne découragea pas la colombienne pour autant. « Rho mais tu sais donc, le chat-bus ! Dans ce dessin animé, avec le gros monstre tout gentil qui vit dans les fourrés à côté de la maison, et qui fait pousser les arbres dans la nuit. Comment c’est le titre déjà… Totoro ! » C’était fichu. Son discours n’avait pas vraiment de sens, et elle tourna les yeux vers la rouquine, cherchant le moment où elle lui dirait que oui, elle voyait tout à fait de quoi elle voulait parler. « Tu vois ? Imagine le chat-bus, ça doit être bien douillet à l’intérieur, non ? » Non sérieusement, elle avait vraiment besoin de dormir et de décuver un peu, si elle en venait à espérer qu’un personnage de film d’animation soit réel. « Avoue, ce serait plus sympa qu’un taxi… » Elle lâcha un soupir fatigué et ce fut à son tour de poser sa tête contre l’épaule de son amie.

I don't want a cab, I want the catbus!

Bon clairement, elles avaient un peu trop forcé sur l’alcool. Elles pouvaient dire ce qu’elles voulaient, elles n’en étaient plus au stade où elles étaient « pompettes », elles étaient carrément bien entamées. Et le lendemain serait sûrement rude. Enfin, vu l’heure ce ne serait même plus le lendemain, c’était le reste de la journée. Encore une journée perdue qu’elles allaient passer au fond du lit, et le reste, à décuver sur le canapé en regardant des émissions abrutissantes jusqu’au milieu de la nuit. Du moins était-ce le programme des lendemains de fête d’Ali. Echo, elle, avait son petit ami, alors peut-être que son programme à elle serait un peu différent, allez savoir.

Quand Aliyah évoqua le chat-but, l’étrange personnage sortant de nulle part dans ses pensées, elle remarqua bien vite que la rouquine ne situait pas du tout. Mon dieu, toute une culture à refaire ! Totoro était aussi vieux qu’elles après tout. Mais elle était beaucoup trop alcoolisée pour débattre sur le sujet. D’ailleurs, son amie rebondit sur le nom et se mit à parler de Toto qui chantait Africa et sur le moment, ce fut à la colombienne d’être perdue. Mais de quoi est-ce qu’elle parlait ?! Où était le rapport ? Quand Echo se mit à chanter à tue-tête, Ali se boucha les oreilles en grimaçant, sentant le mal de crâne arriver. « Shhhhhh. » tenta-t-elle pour la faire cesser de chanter, mais elle était tellement dans sa chanson qu’elle n’y prêta pas attention.

« Ca va, ca va, j’ai compris, tais-toi, arrête de massacrer cette pauvre chanson, elle t’a rien fait ! » Oui parce que la mélodie avait tout de même rappelé des choses à son esprit embrumé par l’alcool et elle se rappela du coup de cette chanson des années 80. Mais malgré tout, elle ne saisissait toujours pas le rapport. « Je parle pas de Toto ! Mais du chat-bus de Totoro ! » Elle n’en démordait pas, et elle était diablement sérieuse en plus.

La fatigue et l’alcool aidant, elle se sentit lourde et posa sa tête sur l’épaule de la rouquine, qui finalement alla dans son sens, même si elle ne semblait toujours pas convaincue. Sa remarque sur la digestion du chat-bus lui fit froncer les sourcils et elle lui donna une légère claque sur la cuisse. « Mais qu’est-ce que tu parles de digestion. C’est un bus ! Ca digère pas les bus ! » Même si en l’occurrence, le bus était vivant. Enfin c’était compliqué, trop compliqué après ce qu’elles avaient ingurgités ce soir là. Ali lâcha un soupir à fendre l’âme et ferma les yeux. « De toute manière il viendra pas, on a appelé un taxi. » Triste retour à la réalité. « Comment va Woody ? » Oui et bien tant qu’à faire, autant faire la conversation, c’était pas comme si elles avaient vraiment eu l’occasion de parler ce soir.

I don't want a cab, I want the catbus!

Bon visiblement, Echo ne semblait connaître ni Totoro, ni le chat-bus… Toute une éducation à refaire. Intérieurement, Ali se fit la réflexion qu’elle devrait inviter la rouquine chez elle pour lui faire découvrir se film, tout en sachant pertinemment que dès le lendemain - ou même plus tard dans la soirée - elle aurait totalement oublié. Lâchant un profond soupir, elle grimaça quand son amie se mit à crier qu’elle lui avait fait mal avec sa petite claque de rien du tout sur la cuisse. « Mais t’es une vraie chochotte ! Arrête de crier j’ai mal à la tête ! » Voilà qu’elle aussi haussait la voix… Tout à fait logique…

Elle n’écouta que d’une oreille les élucubrations de la rousse, fermant un peu les yeux et sentant la fatigue lui tomber dessus sans prévenir. L’alcool, puis sa tension qui venait brutalement de chuter avait eu raison d’elle, et elle en venait à espérer que le taxi ne tarderait pas trop, de toute manière elle savait déjà qu’une fois assise à l’intérieur, elle s’endormirait comme une masse.

Mais c’était sans compter sur Echo qui continuait de parler. Du coup, Ali relança la conversation en lui demandant comment allait Woody. Woody c’était - techniquement - le petit copain d’Echo. Ali le connaissait un peu, mais ils n’avaient jamais tissé des liens très solides. Il était mignon, trop mignon peut-être, c’était pour ça qu’elle préférait rester à bonne distance. La réponse d’Echo lui fit froncer les sourcils. La routine ?! « Tu me rappelles quel âge tu as ? » C’était plus une question rhétorique, vu qu’elles avaient le même âge. « Si à 25 ans c’est la routine, il est sérieusement temps que tu songes à changer de mec ma chérie. » Ou faire comme elle, et n’avoir aucune relation sérieuse… juste un plan cul régulier avec un type très sexy et diablement doué au lit… même si c’était un idiot insupportable. On peut pas tout avoir dans la vie !

Seulement la suite, elle ne l’avait pas prévu, et elle se retrouva bientôt avec une Echo sanglotante dans les bras, qui - toute saoule qu’elle était - venait clairement de lui dire qu’elle était amoureuse de Jonah, aka son presque frère mais pas vraiment. Et qu’elle était persuadée qu’il ne l’aimait pas parce qu’il voulait plus lui parler tant qu’elle était avec Woody. « Bah largue Woody… » Ou comment l’alcool altère dangereusement la logique et la pertinence des conseils. Elle tapota gentiment le dos de son ami et lâcha un soupir, avant de froncer à nouveau les sourcils alors qu’une nouvelle idée venait de la percuter. « Peut-être qu’il est jaloux… peut-être qu’en fait, il supporte pas que tu sois avec Woody parce qu’il aimerait être à sa place ! » Fière d’elle, elle souriait largement. Bon, elle était sans doute complètement à côté de ses pompes cela dit.