NOM ◮ Whitley, comme le reste des membres de ma famille. PRÉNOMS ◮ Justin, prénom assez commun mais que j’aime bien. Thomas en second prénom, je ne sais pas pourquoi ce prénom, mais ça me va. ÂGE ◮ déjà trente trois années de vie sur terre. DATE ET LIEU DE NAISSANCE ◮ 16 avril 1981, Pasadena. ORIGINES ◮ américaines. ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ◮ directeur marketing dans une grande agence. STATUT CIVIL ◮ toujours marié, bien que j’ai quitté ma femme du jour au lendemain + père de trois enfants : Noah (dix ans), Andrew (huit ans) et Shiloh (un an). ORIENTATION SEXUELLE ◮ hétérosexuel. TRAITS DE CARACTÈRE ◮ séducteur, jaloux, manipulateur, ambitieux, fier, aimant, sociable, parfois renfermé. GROUPE ◮ valleys.

Elle est là, seule assise à une table, une coupe de champagne à la main et je me dis qu’elle est la plus belle femme de cette cérémonie – même qu’elle surpasse largement la mariée -. Je l’observe depuis une dizaine de minutes et je ne sais pas s’il faut que je fasse quelque chose ou si au contraire, je ne tente rien. Non, ne rien faire n’est pas dans mes habitudes et il serait vraiment mal vu qu’une aussi jolie femme n’est pas de partenaire de danse et qu’elle reste assise là jusqu’à la fin de cette douce soirée. Je prends alors mon courage à deux mains et me dirige vers la jolie blonde, un peu nerveux, mais je conserve un sourire confiant au coin des lèvres. « Ce serait dommage qu’une jolie fille comme toi n’ait pas une danse… », dis-je en posant mon regard sur elle. J’ignore encore qui elle est, mais je ressens un bon feeling, comme si c’était une évidence, qu’on devait faire connaissance aujourd’hui. Je lui tends la main et elle pose la sienne, délicate, dans la mienne. Je referme mes doigts sur cette dernière et l’entraîne jusqu’à la piste de danse. La chanson I don't want to miss a thing d’Aerosmith est lancée et je me sens comme si on se connaissait depuis de nombreuses années. « Tu t’appelles comment ? », je lui demande, avide d’en connaître le plus possible sur elle. « Hope. Et toi ? », me répond-t-elle rapidement. « C’est un joli prénom. Moi c’est Justin. » et je me retiens de dire que je suis plus qu’heureux de faire sa connaissance parce que je ne veux pas trop en dire pour le moment. On vient à peine de faire connaissance. Mais cela n’empêche pas qu’on termine la soirée tous les deux, dehors, tranquillement. Je lui donne ma veste afin qu’elle ne prenne pas froid et nous discutons de longues heures, inlassablement, jusqu’à ce que la soirée se termine – trop rapidement à mon sens -. On échange nos numéros, je lui fais la promesse que je l’appellerais bientôt et je compte bien le faire.


Je suis fou amoureux de Hope. Certains pourraient croire que je suis vraiment dingue et qu’à dix-huit ans, je ne connais rien aux sentiments, mais je suis certain de ce que je ressens. Elle est la femme parfaite et j’ai envie d’être à ses côtés jusqu’à la fin de mon existence. Je l’aime comme un dingue et c’est parce que je l’aime autant que je la présente à toute ma famille. Je fais les présentations avec tout le monde, j’ai envie qu’ils soient tous témoins de ce bonheur qui m’entoure et qui me rend plus qu’heureux. Je ne cherche pas l’approbation de mes proches, je n’ai pas besoin qu’ils soient d’accord ou qu’ils jugent la femme qui partage ma vie et puis, je ne vois pas ce qu’ils pourraient reprocher à Hope qui est merveilleuse. D’autant que je réfléchis pas mal depuis quelques temps et j’ai bien envie de lui faire ma demande, même si je sais que ça paraît trop rapide. Je pense que lorsqu’on tombe sur la bonne personne, on se fiche du temps et du reste.


Je me marie. C’est aujourd’hui. La pression monte de plus en plus, mais je souris comme un pauvre idiot qui déborde de joie. Je suis tellement sûr de ce que je fais que ce n’est pas le mariage qui m’angoisse, mais plutôt de dire mes vœux et bafouiller ou perdre mes mots. Je n’ai pas envie que nos familles se fichent de moi alors que c’est notre journée, à tous les deux. Qui aurait pu croire que ça arriverait ? Qui aurait pu croire que moi, j’allais me marier ? Alors qu’avant, je n’envisageais pas une seule seconde d’être l’époux de quelqu’un. J’étais bien trop heureux dans ma vie de célibataire qui allait à droite et à gauche et qui ne s’attachait jamais réellement. Mais Hope est tellement différente des autres femmes que je sais au fond de moi que je dois être à ses côtés.
La musique est lancée. Cette douce mélodie que j’apprécie vraiment aujourd’hui. Je vois Hope qui arrive au bras de son père et l’émotion me gagne. Elle est tellement belle, tellement parfaite, tel un ange qui s’avance vers moi, souriante comme à son habitude. Elle se retrouve en face de moi, ses mains dans les miennes, nous écoutons le discours du prêtre jusqu’à l’échange des vœux. Le moment que je redoute le plus, je l’avoue. « Ce douze juillet de l'année dernière, jour de mariage de nos amis communs, j'ignorais encore que je rencontrerai mon mari. Et tu es venu me proposer de danser ce slow avec toi, parce que j'étais une des seules personnes assises à table tandis que toutes les autres étaient sur la piste de danse. J'ai accepté sans réfléchir. Je me souviens de la chanson qui passait à ce moment-là, c'était I don't want to miss a thing, d'Aerosmith. Pour moi, cette chanson a marqué le début d'une belle histoire et je sais qu'on a encore plein de bonnes choses à construire ensemble. » Je lui souris doucement, tendrement, parce que moi aussi je me souviens parfaitement de cette soirée et de cette chanson. « Hope... Justement, ce soir-là, je t'ai vu et j'ai su que je devais aller te voir. C'était comme une évidence. Si je n'y allais pas, j'étais convaincu de passer à côté d'une femme merveilleuse. Je m'étais dit que ce slow était justement l'occasion de te connaître et de passer du temps avec toi. Tout s'est accéléré et c'est vrai, on est jeunes, mais jamais je ne regretterai d'avoir fait le premier pas. » Je me retiens bien de lui dire que j’étais quand même mort de trouille à l’idée de faire un pas vers elle, mais que l’idée de passer à côté d’elle a mit de côté ces craintes qui ont disparues dès qu’elle m’a sourit. Le prêtre reprend alors son discours et il est temps pour nous d’échanger les fameuses paroles qui scelleront à jamais nos vies. « Mademoiselle Hope Lexie Callaghan, voulez vous prendre monsieur Justin Thomas Whitley pour époux ? », mon cœur bat à tout rompre, mes yeux ne quittent pas les siens. « Oui, je le veux. » je lui souris, encore plus heureux que tout à l’heure. « Monsieur Justin Thomas Whitley, voulez vous prendre mademoiselle Hope Lexie Callaghan pour épouse ? », la question fatidique, je n’hésite pas une seule seconde. « Oui, je le veux. », nous échangeons nos alliances et nous voilà mariés. « Vous pouvez embrasser la mariée. », deux fois plutôt qu’une, oui !


Le mariage terminé, nous recevons les félicitations de nos familles, mais je cherche mon frère dans la foule que je ne trouve nulle part. Je le retrouve finalement dehors et je me demande ce qu’il a puisqu’il ne semble pas être dans son assiette. Je fronce un peu les sourcils et pose ma main contre son épaule. « Eh ! Tu vas bien ? », je lui demande avant qu’il ne hoche la tête. Mais pourtant, quelque chose en moi n’est pas encore convaincu. « T’en fais pas, c’est pas parce que je me marie qu’on va être séparés ! T’es mon frère, ça ne changera jamais ! », j’ajoute avant de rire doucement. Je pensais que c’était à cause de cela, qu’il craignait qu’on soit moins proches ou un truc qui s’en approche. « C’est pas ça. Tu n’y es pas du tout. » me répond-t-il un peu froidement. Je fronce encore les sourcils, je ne comprends pas ce qu’il a si ce n’est pas ça. Et puis, Hope passe et je vois le regard de James sur elle. Le même regard que je lui porte. Le regard d’un homme amoureux. Je me détourne de Hope et ancre mon regard dans celui de mon frère alors que ma main glisse de son épaule. J’ai tout compris. Absolument tout. Mais je suis incapable de dire le moindre mot. Je secoue la tête, lui tourne le dos et part rejoindre ma femme, avec cette sensation horrible que mon propre frère aime ma femme.

« Hope ? Les garçons ? Je suis rentré ! », dis-je en posant mon sac dans l’entrée. Après cinq jours d’absence, je n’ai qu’une seule envie : être tranquille en compagnie de ma femme et mes deux garçons. Comme le temps passe vite, lorsque j’y pense… Nous sommes ensemble depuis de nombreuses années et nous sommes toujours aussi amoureux et heureux avec nos fils, deux adorables garçons qui ont déjà dix et huit ans. J’ai parfois l’impression qu’ils grandissent trop vite et que je n’en profite pas assez, mais mon travail me demande beaucoup de temps et d’énergie et je travaille autant parce que je veux qu’ils aient une belle vie. Rien n’est assez beau pour ma famille. Je souris en regardant une photo alors que je m’avance dans le salon jusqu’à ce que j’entends des pas pressés qui dévalent les escaliers. Quelques instants plus tard, Andrew, mon aîné, se retrouve contre moi, les bras autour de ma taille. « Papa ! On faisait nos devoirs avec maman ! » m’annonce-t-il en faisant une petite moue. Les devoirs, ce n’est pas ce que les enfants préfèrent, mais c’est essentiel. Je l’embrasse doucement sur le front et l’écoute me raconter ses journées durant lesquelles je n’étais pas là et m’amuse de tout ce qu’il me raconte. Malgré mes absences, je suis un père attentif avec mes enfants et je me rattrape toujours lorsque je rentre à la maison. Nous sommes rejoins par Hope et Noah que j’enlace aussi fort que possible. Je me sens bien lorsque je suis là, avec eux. J’embrasse Hope et la garde contre moi durant quelques secondes. « Eurk ! » fait le petit dernier, comme si on faisait quelque chose de mal ! Cela me fait toujours rire… les enfants ont tous cette réaction, mais je suis certain que plus tard, ils penseront différemment ! « Ça a été avec nos monstres ? » je demande, en lançant un regard à mes fils. « On n’est pas des monstres ! Moi je suis un super héros ! » me lance Andrew en se mettant debout sur le canapé, pour prendre de la hauteur. « Il est vrai ce mensonge ? » je lui demande en m’approchant de lui. « Hein maman c’est vrai qu’on est des supers héros ?! » « Oui, vous êtes nos petits héros pour le moment. » amusé, je me tourne vers mes fils. « Alors si c’est vrai… Je suppose que vous trouverez seuls les cadeaux que j’ai apporté ? », ni une ni deux, les petits se précipitent jusqu’à mon sac de voyage et pendant ce temps, j’embrasse de nouveau leur si parfaite maman.


Il n’y a jamais de bonheur sans nuages et j’ai cette impression que celui qui se trouve au dessus de ma tête a pour prénom James. Cela fait des années qu’on ne se parle que très rarement parce que je ne supporte pas la manière dont il regarde Hope. Pourtant, je sais qu’il fait des efforts, mais cela ne me semble pas suffisant. De toute façon, jamais il n’aurait dû être amoureux de ma femme, jamais ! C’est quelque chose qui ne se fait pas et qu’on rejette de toutes ses forces ! Si j’avais été à sa place, mais jamais je n’aurai agis de la même manière. Qu’est-ce qu’il se passe exactement dans sa vie pour qu’il agisse comme un parfait imbécile ? Il ne pouvait pas être amoureux de quelqu’un d’autre ? Je ne comprends pas et ça me bouffe… J’ai toujours l’impression qu’il est une menace… Pourtant, j’ai confiance en Hope, vraiment, mais es doutes m’envahissent tout le temps, surtout lorsque je suis en déplacement. Mais je tente de faire comme si de rien n’était, je n’ai pas d’autre choix.


« Qu’est-ce qui t’arrive, JT ? T’es pas comme d’habitude. » je lance un regard à ma meilleure amie, Hannah, et hausse les épaules avant de boire une longue gorgée de whisky. Je passe la soirée en sa compagnie parce que j’ai besoin de faire le vide, mais même là, je n’y arrive pas. « Rien, j’ai rien, tout va bien. » je marmonne lamentablement, incapable de donner le change. Elle me connaît tellement bien qu’elle devine tout. On se connaît depuis le lycée, on a fait quasiment tout ensemble, sauf les études à l’université, mais cela ne nous as pas empêchés d’être toujours en contact. Elle est capable de lire en moi comme dans un livre ouvert. « C’est donc à moi, ta meilleure amie, que tu compte faire croire un truc pareil ? Tu as exactement cinq minutes pour vider ton sac. » me lance Hannah, montre en main. Rha, je déteste lorsqu’elle fait cela… Mais en même temps, elle a raison, il faut que je parle un peu, que j’arrête d’être renfermé sur moi-même comme je le fais tout le temps. Je termine mon verre de whisky en deux gorgées et m’en remplit un nouveau. Je regarde le liquide ambré et un soupir glisse de mes lèvres entrouvertes. « C’est Hope… Enfin non, c’est James… Il aime Hope et ça fait des années que je le sais… Des années que je supporte cette merde sans rien dire… Je l’ai su le jour de mon mariage. » un rire amer m’échappe alors que je revois son regard sur elle… « Est-ce qu’il a tenté quelque chose… ? » « Non, non, je ne crois pas qu’il irait jusque là… J’en sais rien, non… Mais ça n’empêche pas mon esprit tordu de me faire des films lorsque je suis loin… Ça me ronge. » un aveu de fait. J’en suis parfois malade à l’idée que ça tournerait bizarrement entre Hope et mon frère, mais j’essaie de mettre ces idées dans un coin de ma tête. Hannah vient se blottir contre moi, je bois mon verre et entoure ses épaules de mon bras. « Tu devrais arrêter de faire ça… Ou avoir une vraie conversation avec ton frère. » « J’en ai pas la moindre envie. » « Alors tu préfère rester dans le doute ? » « Je n’ai peut-être pas envie d’affronter la réalité. » « Le Justin que je connais ne se comporte pas de cette manière. » je hausse les épaules et passe une main contre mon visage. Hannah a certainement raison, mais c’est trop compliqué.


Je sonne à la porte comme un malade, j’ai la tête ailleurs et je suis probablement trop ivre pour me rendre compte que je m’acharne dessus. Mais la porte s’ouvre et laisse apparaître ma meilleure amie qui se demande probablement ce que je fiche ici. « Justin ?! Mais tu n’es pas sensé être en déplacement jusque demain ? » je hoche la tête, sourire con aux lèvres. « Je suis rentré plus tôt avec des collègues et on a fêter quelque chose et je suis complètement déchiré. » un rire m’échappe et elle me laisse prendre place dans le salon. Elle ferme la porte et me donne un verre d’eau que je refuse d’un hochement négatif de la tête. « Pourquoi tu ne rentre pas chez toi ? » « Parce que j’ai pas envie que mes fils me voient comme ça. » je n’ai pas envie qu’ils aient la vision d’un père complètement ivre qui raconte n’importe quoi et qui a été raconter des conneries à ses collègues. « Allez viens, tu vas prendre la chambre d’amis. » elle me tend la main, je l’attrape et me relève tant bien que mal du canapé. Je grimpe les escaliers derrière elle, je loupe parfois les marches, mais jamais assez pour paraître pathétique dans une chute qui me vaudrait quelques bleus. On arrive à l’étage, Hannah ouvre la porte de la chambre d’amis, allume la lumière et entre dans la chambre, toujours prévenante, elle cherche à m’être utile. « Tu reste avec moi ? » « Quoi ? » elle se retourne vers moi et j’entoure sa taille de mes bras. Je la colle tout contre moi et mes lèvres cherchent les siennes. « Justin, arrête, tu as trop bu. » je ris, comme si cela n’avait pas la moindre importance. « Tu vas le regretter. » je ne réponds pas, j’ancre mon regard dans le sien et plaque mes lèvres sur les siennes. Je sens que les barrières tombent et ce baiser d’abord tendre devient plus intense et une chose en entraînant une autre, nous terminons au lit. Cette nuit, je suis devenu un homme infidèle.

Le poids de la culpabilité… Il est lourd, très lourd. Hannah avait raison : j’ai eu des regrets dès mon réveil, après que nous avons couchés ensemble. Je me sentais coupable, affreusement con envers elle autant qu’envers Hope. Je ne voulais pas que cela aille aussi loin, je ne voulais pas que ces deux femmes souffrent à cause de moi. Hannah m’avait fait la promesse de ne rien dire et elle l’a fait. Elle n’a rien dit, mais je me sens quand même coupable. Je donne toujours le change, mais parfois, lorsque je regarde Hope, je crains qu’elle découvre tout et je me sens toujours à la limite de tout lui dire mais je n’en fais rien… J’en suis incapable. Trop de doutes m’envahissent, surtout depuis la naissance de Shiloh, la fille d’Hannah. Elle est née en mai et les dates coïncident avec la fameuse soirée où nous avons couchés ensemble… Mais elle m’a dit qu’elle fréquentait quelqu’un à cette période et que je n’étais pas le père, mais je doute de plus en plus… Je doute de tout.


J’ai eu Hannah au téléphone, elle n’avait pas l’air dans son assiette. Je la rejoins chez elle et lorsque je la vois, je devine qu’il y a quelque chose de grave. Elle tient la petite dans ses bras et la regarde tendrement, même si je vois de la tristesse dans son regard. « Hannah ? Qu’est-ce qui se passe ? » elle lève les yeux vers moi et me fait signe de la rejoindre sur le canapé. Je le fais et m’assois juste à côté d’elle, sans vraiment comprendre. « Je t’ai menti, Justin. » je fronce les sourcils et me demande de quoi elle parle. « À propos de quoi ? » je suis son regard qui passe de moi à la petite et je devine qu’elle parle de Shiloh. « Je n’avais personne lorsque nous avons eu cette aventure… Shiloh est ta fille… Et je suis désolée de t’avoir menti. » elle fond en larmes, je ne lui en veux pas, vraiment pas. Je pense même que je peux comprendre. « Je ne voulais pas que cela gâche ta vie, je ne voulais pas que tu te sente obligée de quoique ce soit, mais… » je retiens mon souffle, je n’aime pas ce mais qui ne présage jamais rien de bon. « Mais quoi, Hannah ? » je le demande, mais je ne suis pas certain de vouloir entendre la suite de l’histoire. « Je suis malade, Justin… Ils m’ont diagnostiqué une tumeur au cerveau… » le ciel me tombe sur la tête. Je la regarde comme si elle me faisait une mauvaise blague, mais je sais que non. Je suis bien là, en train d’entendre que ma meilleure amie risque de perdre la vie. « Mais ils peuvent faire quelque chose, n’est-ce pas ? Une opération ? Un traitement ? » j’espère que oui, je veux que ce soit le cas, pitié… Mais à son regard, je ne le sens pas. Elle me glisse Shiloh dans les bras, je regarde le bambin et l’émotion me noue soudainement la gorge. Je réalise seulement qu’elle est ma fille… Mon Dieu… « La tumeur est située juste là – elle me montre son front et hausse les épaules -, l’opération n’est pas sûre de réussir… Il y a des chances que je meurs au bloc ou que je reste paralysée s’ils touchent quelque chose dans mon cerveau… Je ne veux pas prendre ce risque. » je suis sur le cul. Je voudrais lui dire quelque chose, être réconfortant, mais je ne vois rien qui apaiserait son cœur déjà meurtrit. « Mais elle peut réussir, non ? Pense à Shiloh, elle a besoin de sa mère… » « Elle a son père maintenant et je sais qu’il en prendra soin… Je veux profiter de vous deux avant de mourir. » je la regarde de nouveau sans comprendre. À quoi fait-elle allusion ? « Je ne comprends pas ? » « Je veux qu’on parte tous les trois… Un jour, tu m’as promis que si je t’en faisais la demande, tu m’emmènerai où je le souhaitais… Je t’en fais la demande aujourd’hui… Emmène-moi loin d’ici avec notre fille et offre moi quelques mois de bonheur à tes côtés… » c’est vrai, je lui avais fais cette promesse lorsque nous étions plus jeunes… « Je t’en supplie Justin, accorde-moi juste ça… » je ravale mes larmes et lui tend la main afin qu’elle me rejoigne. Je pose mon front contre le sien et hoche la tête. « D’accord. » et à nouveau, je viens de sceller mon destin.


Je pars bientôt, dans quelques jours. Je me suis mis d’accord avec Hannah pour qu’on ne parte pas de suite. J’avais besoin d’être encore un peu avec mes enfants et avec Hope. Je profite de ces instants de joie parce que je sais qu’ils ne vont pas comprendre lorsque je serai loin d’ici. Je sais que cela va être difficile, autant pour eux que pour moi et j’en suis tellement désolé… Parfois, je me surprends à avoir les larmes aux yeux alors que je vois mes fils qui jouent ensemble et qui me lancent des grands sourires. Mais je ne peux rien dire, j’en ai fais la promesse… On ne doit rien dire. Personne ne doit être au courant. J’ai l’impression d’être une bombe à retardement, mais je ne peux pas craquer, je n’ai pas le droit…


Je vais chez mon frère. Je ne sais pas pourquoi je vais chez lui et je ne sais pas pourquoi c’est vers lui que je me tourne. Je vais jusqu’à son appartement et sonne tranquillement à la porte. Lorsqu’il m’ouvre, je garde un visage fermé et fait quelques pas jusqu’au salon. « Il faut que j’te parle d’un truc important. » je croise les bras, je m’en veux de faire un truc pareil, mais c’est la seule solution. Cela peut paraître con et stupide, complètement dingue, mais si James sait que je pars, il prendra soin de Hope… Après tout, il en est toujours amoureux, cela ne devrait pas être une tâche difficile à accomplir à ses yeux. « Il y a un problème ? C’est Hope ? Les enfants ? » je retiens un sourire. Hope. Toujours Hope. Entendre le prénom de ma femme dans sa bouche me donne toujours envie de lui en coller une, mais je n’en fais rien. Après tout, n’ai-je pas fais pire que lui ? Si. Finalement, de nous deux, je suis le plus malhonnête. Je lâche un petit rire et secoue la tête. « Non. C’est moi. Je m’en vais. » la bombe est lâchée. Je n’ai pas besoin ni envie de mettre les formes. J’annonce juste les choses. « Quoi ? Tu pars en voyage ? » Cette fois, c’est lui qui ne comprend pas de suite. Je ris une nouvelle fois et hausse les épaules, geste qui m’est habituel. « Non. Je pars. Je quitte Hope, je m’en vais pour de bon. » Deuxième bombe. Mais mon frère ne semble pas me croire, comme si j’avais la gueule du type qui racontait des conneries actuellement. « Arrête un peu. » je secoue la tête et roule des yeux. Nouveau haussement d’épaules, je quitte l’appartement aussi rapidement que je suis entré. « On verra bien. » je dévale les escaliers et retourne dans les rues de la ville. Il ne me croit pas, tant pis, il aura la surprise comme les autres.


Je prépare mes affaires. Les garçons sont là et je ne voulais pas qu’ils assistent à mon départ, mais je ne peux plus faire autrement, je ne peux pas faire attendre Hannah plus longtemps. J’ai fais des choses et il faut que j’assume, quitte à ce que cela me bouffe dans quelques mois. Je remplis une dernière valise de vêtements et je sens les bras de Hope qui se glissent autour de ma taille. Je ferme les yeux et respire son parfum. « Tu nous improvises un séjour en amoureux ? Où est-ce que tu nous emmènes ? Oh non attends, laisse-moi deviner... A Paris ? Non, à Venise ? Ok, j'arrête de vouloir gâcher la surprise, je verrai au moment venu ! » Mon cœur se brise peu à peu, je me sens minable et pathétique. Je me détache d’elle et je prends mon ton le plus froid possible. « On ne va nulle part. Je m'en vais. » « Comment ça tu t'en vas ? Tu dois partir en déplacement pour le boulot ? » « Ça n'a rien à voir avec le boulot. Je te quitte, Hope. » c’est horrible, cruellement horrible, mais je tiens bon, je ne craque pas… « Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tu fais ça, Justin ? Explique-moi. » mon Dieu, si seulement je le pouvais Hope, si seulement j’en avais la force… « J'ai besoin de réfléchir. » « Mais à quoi tu veux réfléchir ? Qu'est-ce qui ne va pas ? Raconte-moi. » je ne peux pas, je ne peux pas… Je cache mes émotions, je les cache derrière ce masque froid que je déteste tant. « Faut que je réfléchisse à tout, enfin surtout à nous. » « Tu vas chez elle, c'est ça ? » je marque une pause, ma gorge se noue davantage. Je voudrais tellement lui dire que ce n’est pas ce qu’elle croit, lui dire pour Hannah, Shiloh, la maladie, la promesse et le reste… Mais je n’en fais rien. Je mens. « Je ne vois personne d'autre. » « Arrête de me mentir, Justin. » « Je ne te mens pas. J'ai juste besoin de respirer un peu. » pour quelqu’un qui ne ment pas, j’en raconte des belles depuis tout à l’heure. Je ferme ma valise, l’attrape et dévale les escaliers en un temps record. Je ne m’arrête pas pour mes fils, je suis déjà à la limite de fondre en larmes. Je jette la valise dans la voiture et m’installe derrière le volant, sans un regard en arrière. « Justin, reviens ! Nous laisse pas s'il te plaît ! » j’entends son cri et il me déchire le cœur. Mais je ne fais rien, je démarre et quitte rapidement l’endroit où j’ai vécu heureux de si longues années. C’est plus loin que je m’arrête sur un parking et donne un grand coup dans le volant. « Je suis désolé Hope, je suis vraiment désolé… » des larmes glissent sur mes joues que j’essuie rageusement. Il est trop tard pour les regrets.

Cela fait un mois que j’ai quitté femme et enfants et que je vis avec Hannah et Shiloh dans son Idaho natal. C’est tellement étrange. C’est tellement effrayant aussi. Je ne peux pas prétendre que c’est facile tous les jours mais je m’accroche parce qu’elle ne méritait pas que je la laisse ainsi, pas après tout cela. Alors oui, mes enfants me manquent horriblement et Hope aussi, mais je le montre le moins possible parce que bizarrement, cela fait aussi de la peine à Hannah. Elle ne souhaite pas que je souffre et l’idée que j’aille mal la rend malade. Alors on s’occupe de notre fille, on fait des balades, on profite du temps que la vie nous offre et on se pose le moins de questions possible. On les range dans un coin de notre tête et je sais que nous n’aurons plus jamais vraiment de grandes conversations trop sérieuses parce qu’elle profite à présent de la vie et des derniers mois qu’elle lui accorde. Elle les savoure et je souris à chaque fois qu’elle se tourne vers moi, plus heureuse que jamais et qu’elle me lance ce regard de gratitude qui me met souvent mal à l’aise. Je l’ai fais parce que j’en avais envie et parce que je me sentais de le faire. Je veux qu’elle soit heureuse jusqu’à la fin.


Nous sommes au lit, Shiloh est entre nous, elle dort comme un petit ange. Hannah me regarde, sourire aux lèvres et passe sa main contre ma joue. « Il faut que je te fasse une confidence. » « Mh ? » « Au lycée, j’étais amoureuse de toi. » « Quoi ? » je me tourne vers elle, incrédule. « Oui, mais tu me voyais que comme ta meilleure amie alors je n’ai jamais rien dis… Et la seule fois où tu m’as vraiment vu, c’est quand tu avais trop bu… » je passe une main dans mes cheveux, attrape ensuite la sienne qui repose contre ma joue et dépose un baiser dans le creux de cette dernière. « Je suis désolé. » « Tu n’as pas à l’être. » « Si… Je suis désolé d’avoir agit de cette manière avec toi… Tu méritais mieux que cela et tu mérite mieux que moi. » elle mérite mieux qu’un homme marié qui l’a foutu enceinte alors qu’il était ivre et qu’il avait trop de doutes. Ouais, elle mérite tellement mieux que celui que je suis devenu et que je déteste profondément. « Tu es l’homme que j’aime le plus en ce monde et grâce à toi, j’ai connue la joie d’être mère… » elle pose un regard sur sa fille et ses yeux s’éteignent comme si un voile de tristesse s’était posé dessus. « Tu lui parlera de moi ? » me demande-t-elle, les yeux emplis de larmes. « Bien sûr que je le ferai… Dès qu’elle sera en âge de comprendre, je lui dirais tout de toi et je lui donnerai des tas de photos de toi à tous les âges. » je me redresse, attrape la petite que je vais mettre dans son berceau et m’en vais rejoindre Hannah qui fond en larmes. « J’ai tellement peur qu’elle ne sache pas qui je suis. » « Elle le saura, je te le promets. » je la prends dans mes bras et la console comme je le peux, même si je sais que je ne peux lui donner ce qu’elle délire le plus : de longues années en compagnie de son enfant.


Les fêtes de Noël sont passées et la nouvelle année vient d’être fêtée. La neige recouvre encore absolument tout et je contemple cette vue de la fenêtre de la chambre. Je pense à Andrew. Je pense à Noah. Je pense à ces fêtes qu’ils ont passées sans moi. Je pense à Hope et machinalement, je pense à James. Je pense aussi au reste de ma famille. Est-ce qu’ils m’en veulent ? Oui, certainement. Ils me haïssent probablement. Je tiens le mauvais rôle, mais je l’assume. Après tout, je n’ai pas d’autre choix que de le faire. Je sens Hannah qui se glisse derrière moi et qui pose sa tête contre mon dos. Elle est faible en ce moment. Elle a beaucoup de maux de tête et des vertiges qui m’effraient. Elle tombe comme une mouche et je n’ai pas toujours le temps de la rattraper. Son état se dégrade et je crains toujours les lendemains. « Tu penses à tes fils ? » « Oui, ils me manquent beaucoup… » « Tu les retrouveras bientôt. » « S’ils ne me détestent pas trop… » « Ce sont tes enfants, ils t’aiment, ils te pardonneront. » « J’aimerai être comme toi et y croire, mais j’ai du mal… Comment réagiront-ils lorsqu’ils verront la petite ? » « Je ne sais pas… » c’est  bien cela le problème, personne ne sait. Hannah se hisse sur la pointe des pieds et m’embrasse sur l’épaule. Je me retourne doucement et la garde contre moi. Mes sentiments envers elle évoluent de plus en plus. Peut-être est-ce parce que nous sommes tout le temps ensemble, je ne sais pas, mais je ressens des choses pour Hannah.


Janvier. Février. Mars. Les mois passent et je ne vois quasiment rien. Ils passent trop vite, j’ai maintenant la sensation de vivre dans l’urgence. Hannah aussi. Nous profitons encore plus de chaque instant que nous avons avec la petite. Elle nous émerveille un peu plus tous les jours et je suis heureux qu’Hannah ait la chance de vivre ces moments avec Shiloh. Lorsque je les vois, je me dis que j’ai quand même de la chance, je pourrais être plus malheureux. Alors certes, je le suis un peu au fond de moi parce qu’il me manque mes deux bonhommes, mais je ne peux pas renoncer à cette promesse. J’espère simplement qu’Hannah sera encore là lorsqu’elle la petite fêtera sa première année. J’ai l’intention de faire de nombreuses photos afin qu’elle puisse en avoir plus tard. C’est tout ce qui importe. Je veux qu’elle ait vraiment cette impression que ses parents étaient très heureux. Et nous le sommes malgré tout. Malgré la maladie. Malgré les souvenirs. Malgré le manque. Nous avons un équilibre assez étrange, mais qui fonctionne.


Mois de mai. Shiloh fête sa première année de vie sur terre. Elle est tellement fantastique cette gamine. Elle répète les sons qu’elle entend, elle se tient debout – en s’agrippant à nous et aux meubles -, elle réclame sans cesse des câlins et des bisous… En bref, j’en suis raide dingue. Elle me ressemble, c’est ce qu’Hannah n’arrête pas de dire. Et c’est vrai qu’elle me ressemble, il n’y a aucun doute sur le fait qu’elle soit ma fille. « Tu te rends compte ? Notre bébé a déjà un an… J’aurais jamais cru vivre assez longtemps pour… » sa voix se brise, je l’attrape par la taille et embrasse son front. « Ne pense pas à cela maintenant… Profite de cet instant. » mes lèvres se posent un instant sur les siennes et on se concentre de nouveau sur Shiloh. Nous jouons avec elle, nous déballons ses cadeaux, des vêtements, des jouets, des peluches… En bref, nous la gâtons beaucoup. Mais la fête tourne court puisqu’Hannah est rapidement épuisée.

Nous sommes fin juillet, le soleil brille, il fait bon, mais j’ai froid. Hannah est morte depuis une semaine et je me sens plus vide que jamais. Les dernières semaines ont été horribles, je la voyais de plus en plus mal, elle n’était plus capable de rien et je m’occupais d’elle autant que je le pouvais. J’étais là, impuissant face à ce qu’elle vivait, mais elle ne se plaignait quasiment jamais. Elle se préoccupait de sa fille et elle se mettait au second plan. Je l’avais conduite à l’hôpital parce qu’elle allait vraiment mal et elle s’était éteinte quelques jours plus tard, non sans me dire qu’elle avait été heureuse ces derniers mois. Après sa mort, je me suis effondré et je me suis senti plus seul que jamais. Elle me manquait déjà. Et là, aujourd’hui, elle me manque encore plus. La petite est dans mes bras, sa petite main contre sa joue, elle ne réalise probablement pas que sa mère est mise sous terre actuellement. Shiloh ne peut pas comprendre et malheureusement, elle ne conversera aucun souvenir de sa mère, à part sur des photos et des vidéos rangées précieusement… Je pleure de nouveau en réalisant que c’est vraiment la fin… Je m’avance et pose délicatement une rose sur le cercueil. « Sois en paix, Hannah… » et veille sur nous, s’il te plaît, je crois que nous en aurons bien besoin… La cérémonie se termine, je repars tranquillement. Nous n’étions pas nombreux, quelques personnes qu’on avait connu ici, Hannah n’avait plus de famille depuis longtemps à part moi…

Et moi, il faut à présent que je rentre à la maison…