> Afghanistan

« Sven lâche moi bordel ! » Le brun lui attrapa les épaules pour planter son regard dans le sien, essayant probablement de se donner un air plus sérieux, ou de capter un peu mieux son attention, ce qui était voué à l'échec, il le savait pertinemment. « Tu peux pas faire ça Dean, penses aux conséquences, attend le chir'... » Dean lança un regard à l'homme étendu sur le brancard à sa droite. Michael était dans un très mauvais état, vraiment, et sans cette opération, il allait mourir sous les yeux de son meilleur ami. « Je peux le faire, je sais le faire ! » « Tu n'es pas officiellement chirurgien et tu n'as aucune autorisation... Dean, c'est ta place que tu joues, merde. » C'est vrai, on ne le définissait pas encore de chirurgien, même si il avait passé l'examen, les résultats n'étaient pas encore revenus au QG. Dean plongea à nouveau son regard dans celui de Sven, son collègue médecin depuis le début de cet enfer en Afghanistan. Évidemment, Sven s'inquiétait également pour Mich', mais il n'allait pas lâcher l'affaire si vite, et au fond, il avait raison. Dean mettait sa place en jeu, mais il n'en avait absolument rien à foutre. Son meilleur ami venait de recevoir une balle directement dans l'abdomen, et il était en train de mourir d'une hémorragie interne. Tout le monde connaît les risques du métier en devenant soldat, mais là, il n'y avait rien de justifié. Les ennemis les avaient prit par surprise, Michael était l'un des trente et un blessés de cette embuscade. Ce type l'avait tiré de tellement d'emmerdes, il lui avait sauvé la mise plus d'une fois, alors non, il ne le laisserait pas mourir ici, pas comme ça.
« Je t'oblige pas à me suivre Sven. Je vais le préparer et l'opérer. Ce type est mon meilleur ami, d'accord ? Et on sait tout les deux que le chirurgien n'arrivera jamais à temps. » Pour la première fois depuis le début de leur conversation, Sven n'objecta pas. Il n'arriverait pas à le faire changer d'avis, et il le savait. Il ne l'obligeait pas à mettre sa carrière en jeu, il ne lui en voudrait pas pour ça, ça se comprend parfaitement. « Prépare le, je m'occupe du matériel. » « T'es pas obligé... » « Prépare le. »

Dean avait voulu croire au fait qu'il allait survivre à cette blessure. Il pensait lui avoir sauvé la vie avec cette opération qui s'était parfaitement déroulée. Il avait tort. Michael succomba à ses blessures deux jours après son rapatriement sur le sol américain. Tout juste 24H après, c'est Dean qui était rappelé à Washington. On lui annonça son départ anticipé du corps de l'armée américaine, et qu'il pouvait aussi s'estimer heureux de ne pas avoir perdu son droit d'exercer. Mais il s'en moquait, il avait perdu l'une des personnes les plus importantes dans sa vie. Il n'était pas encore chirurgien qu'il comptait déjà un mort à son tableau. D'ailleurs, les résultats étaient arrivés, et il venait d'être nommé chirurgien général, mais ça aussi, il s'en moquait.
Sans l'armée et avec la mort de son meilleur ami sur la conscience, il était supposé devenir quoi ?

> Pasadena.

Les tirs des famas. Les hurlements des soldats, blessés comme vivants. Ses gants bleus maintenant tâchés d'un rouge sombre. Les déclarations de décès qui pleuvaient de tout les côtés. Dean était là, debout au milieu de cet enfer, regardant autour de lui les soldats blessés, mutilés, ou morts. Il lui arrivait d'ailleurs de leur souhaiter cette mort tellement leur souffrance était immense, et que les petits stocks de morphine qu'il possédait n'aurait pas suffi à les apaiser.
Et puis, il se tourna une dernière fois, faisant face à l'entrée de la tante de triage. Michael était là, un air grave sur le visage, un trou béant au niveau de son ventre. « Michael... Je suis désolé. » « Tu m'as tué. C'est de ta faute Dean. C'est toi l'assassin de ton meilleur ami. » Les larmes lui montèrent aux yeux, ces paroles lui déchirait le cœur. « J'ai essayé Mich... J'ai essayé, je te le jure... » « Tu m'as tué ! »

Le corps recouvert de sueur, Dean se retrouva assit au milieu de son lit, cherchant son souffle. « Putain... » Lâcha-t-il dans un soupire avant de se passer la main sur le visage. Depuis deux ans, c'était la même chose. Presque chaque nuit, Dean fait ce même cauchemar, il ne change que très légèrement à chaque fois, mais le sens en reste le même.
Cette nuit là, le réveil s'était fait en douceur, mais ses réactions ont déjà été bien pires. Il lui est arrivé de frapper la personne à côté de lui, ou bien pire, il a tenter d'étrangler sa dernière petite amie il y a un an. Au début, il ne faisait que rêver, mais maintenant, il lui arrive de devenir somnambule, ce qui est dangereux pour les autres, et aussi pour lui.
C'est à ce moment là que son téléphone sonna sur la table de nuit à côté de lui. Sans prendre le temps de regarder l'appelant, il décrocha. « Allo ? » « Docteur Daniels ? C'est votre interne, Tania, je vous cherche depuis une demie heure, on a reçu une femme aux urgences, j'ai besoin de votre avis... » « Ouais, j'arrive dans cinq minutes. » Il raccrocha immédiatement. Connaissant cette interne, elle allait carrément lui raconter le dossier de la patiente au téléphone, et il n'était pas encore assez réveillé pour ça. Voilà son quotidien depuis deux ans, et il ne peux pas y changer grand chose. Dean n'a pas fait une seule bonne nuit de sommeil depuis l'accident de Michael, et on ne peux pas dire qu'il n'a rien essayé, somnifères, séance de psy, même l'hypnose n'y a rien changer. Alors il se contente d'assumer maintenant.
En se rendant vers les urgences, Dean adressant un clin d’œil à sa collègue et meilleure amie, Sorenza. Vu sa tête, elle avait vite comprit qu'il n'avait rien dormi de la nuit, alors le chirurgien se contenta d'un hochement de tête, il ne pouvait pas y changer grand chose de toute façon.