chapitre un ≈ Deux semaines après avoir remporté le championnat de natation national et ramené une coupe énorme et bien brillante pour son lycée, Nolan a encore le bruit des cris de joies et des applaudissement de la foule dans les oreilles. Il a passé son dernier examen avant-hier et l'année scolaire est enfin terminée. Il en a fini avec le lycée et pour tout dire, il en est plutôt satisfait. Même en étant populaire et en ayant toutes les Cheerleaders à ses pieds, Nolan ne s'est jamais vraiment épanoui là-bas. Trop d'immaturités, de soirées à ne plus en finir quand tout ce qu'il voulait faire, c'était nager. Il est sorti avec quelques filles - et a couché avec le double - mais il n'y a jamais eu d'étincelle, rien à espérer de ces amourettes de lycée. Nolan est peut-être un peu trop mature pour son âge mais il veut quelque chose de plus profond. Pas le grand amour, il est trop jeune et indépendant pour ça mais il veut de la passion, quelque chose qui le fasse se lever le matin. Il veut trouver durant chaque seconde de sa vie cette sensation qu'il ressent au moment où il plonge - quand son corps est dans les airs mais qu'il n'a pas encore touché l'eau. Cette sensation de voler. De se jeter dans l'inconnu. D'être libre tout simplement. Nolan passe sa matinée seul. Son père est parti travailler, c'est le jour de congé de Millie - la femme de ménage - et Nolan a déjà prévu de commander une pizza. Cela va bientôt faire quinze ans que sa mère est morte - au mois d'août. Il passe toute la matinée à nager dans la piscine couverte avant d'aller appeler la pizzeria et d'aller chercher le courrier. Son coeur fait un bond dans sa poitrine quand il voit qu'il a reçu une lettre de Yale. Il a été accepté dans l'université il y a un mois avec une bourse sportive en prime. Son père lui a toujours dit qu'il ne pourrait jamais se débrouiller sans lui mais Nolan lui a prouvé le contraire. Il ouvre la lettre, fébrile, se demandant s'il est accepté en avance à l'université. Il espère, l'idée de passer toutes ses vacances ici est étouffante même s'il est déjà prévu qu'il parte en vacances avec ses potes à Hawaï - l'intérêt d'avoir des parents riches. Monsieur Gilbert, nous vous informons que nous avons bien reçu votre courrier de démission... Son coeur s'arrête dans sa poitrine alors que la réalisation le frappe de plein fouet. Il part de chez lui en claquant la porte et monte dans sa voiture de sport dernier cri comme une furie. Il grille toutes les limitations de vitesse et traverse la ville en un temps record. Il rentre dans le bureau de son père, se fichant des protestations de sa secrétaire. « Tu m'as fait démissionner de Yale ! » crie-t-il, rempli de rage. Son père ne lève même pas les yeux de son ordinateur. « Toujours en train de te donner en spectacle fils. Tu pourrais au moins lire ton courrier jusqu'au bout. Tu es toujours le bienvenu à Yale mais pas avec une bourse de natation. Mon fils ne sera pas un sportif de pacotille, certainement dopé. Et je te conseille de réfléchir à ce que tu vas dire si tu veux un jour voir la couleur de ton héritage. » Nolan décide ne pas aller à Yale et ne parle pas à son père pendant près de quatre mois.
   
chapitre deux ≈ Nolan est en train de manger des nouilles chinoises en lisant vaguement son cours d'économie. Son père a réussi à le convaincre il y a deux ans de cela de prendre une majeure en économie - convaincu est une façon de dire menacer de le mettre à la porte et de lui couper les vivres. Néanmoins, Nolan est presque majeur et il a mis de l'argent de côté. Il ne sait pas combien de temps il restera encore. Après avoir perdu sa bourse en natation, il a fait le con pendant l'été et s'est blessé au mollet. S'il aurait pu rebondir et essayer de continuer sa carrière sportive, après cette blessure, c'était définitivement terminé. Son père n'a jamais été attentionné avec lui alors que quand il était petit, il le giflait dès qu'il osait pleurer, lui disant qu'il était plus fort que cela. Un bruit derrière lui le fait se retourner et il manque de tomber de son siège quand il voit qu'une femme d'environ une trentaine d'années le fixe. Il fait au moins un bond de deux mètres avant de pointer ses baguettes chinoises vers elle. « Vous êtes qui ? C'est une propriété privée. Sortez d'ici ou j'appelle les flics. » La jeune femme rigole légèrement et il ne peut s'empêcher de noter qu'elle est drôlement jolie. Quitte à se faire cambrioler, autant que ce soit par une femme canon comme elle. L'inconnue s'avance dans la cuisine, tirant une énorme valise derrière elle et Nolan trouve la situation de plus en plus bizarre. « Du calme, je ne suis pas armée. Tu peux poser tes baguettes. » Nolan rougit face au ridicule de la situation. Il passe une main dans ses cheveux mais continue de dévisager la femme. A l'observer, il la trouve de plus en plus magnifique : ses cheveux coupés au carré mais de façon moderne, son nez en trompette, ses yeux pétillants, ses lèvres rosées. Est-ce que son père a engagé une nouvelle femme de ménage et a oublié de lui mentionner ? « Je suis Rose. Je suppose que ton père ne t'a jamais montré de photos. Je voulais vous faire la surprise en venant un jour plutôt. » Nolan fronce les sourcils. « Excusez-moi mais qui êtes-vous ? » Il est complètement perdu. Il sait que son père et lui ne communiquent pas mais tout de même, si une inconnue venait à vivre chez eux - du moins c'est ce que la valise indique - il aimerait être au courant. « Rose, la petite-amie de ton père. Fiancée en fait. Il a fait sa demande il y a une semaine et j'ai encore dû mal à m'en remettre. Il t'a parlé de moi ? » Sa question est plus rhétorique qu'autre chose mais Nolan sent toute couleur quitter son visage. Rose écarquille les yeux. « Oh... » Alors que la colère l'envahit peu à peu, Nolan sent néanmoins de la compassion pour cette femme - ou peut-être est-ce son visage défait. « Mon père et moi on n'est pas très proches. Moins je le vois, mieux je me porte. Je suis sûr qu'il a dû mentionner ça. » Puis Nolan s'enfuit dans sa chambre comme un gosse de quatre. Il s'écroule sur son lit, les larmes aux yeux. Il n'arrive pas à croire que son père ait pu faire une chose aussi cruelle que remplacer sa mère sans même l'avertir.

chapitre trois ≈ Les jours et les mois passent et Nolan trouve en Rose une alliée. Ce soir-là, ils sont assis sur le canapé, un verre de vin à la main. Elle a ses chevilles sur ses jambes et il laisse ses doigts caresser sa peau nue. Nolan avoue sans honte qu'il est tombé tête la première pour cette femme gentille, drôle et adorable. Tout l'opposé de son père si bien qu'il pourrait se demander ce qu'ils font ensemble s'il ne voyait pas leur couple s'effondrer sous ses yeux. Son père sait se montrer sous son meilleur jour mais Rose est une personne trop adorable pour supporter le monstre qui se cache derrière l'homme d'affaire. « Tu ne parles jamais de ta mère. » demande-t-elle après quelques minutes de silence. Nolan grimace, le sujet est sensible. « Il n'y a pas grand chose à dire. J'avais trois ans quand elle est morte. Je me rappelle pas beaucoup d'elle. » Rose hoche la tête mais Nolan - habitant encore chez lui au lieu de squatter les dortoirs de la fac de Seattle - la connait par coeur désormais et la façon dont elle retrousse son nez veut dire qu'elle veut en savoir plus. Elle ne tarde pas à demander : « Mais ton père n'en parle jamais. » Nolan soupire avant de finir son verre et de le poser sur la table basse. « Mon père pense que je suis responsable de sa mort. » Il peut voir Rose écarquiller les yeux. Elle pose son verre à son tour et se rapproche de lui si bien qu'elle est plus sur ses genoux que sur le canapé. « Mais... » « J'étais chez les voisins parce que mes parents travaillaient. J'ai fait un caprice et j'ai réclamé ma mère jusqu'à ce que la voisine cède et l'appelle. Elle s'est fait rentrer dedans par un chauffard en venant me chercher. » Encore, aujourd'hui, les mots sont durs à prononcer et les souvenirs douloureux. « Ce n'est pas ta faute ! » s'insurge Rose. Nolan sourit. C'est pour ça qu'il est tombé amoureux d'elle. Elle est tellement passionnée pour tout ce qu'elle fait et agit parfois comme une petite fille quand elle a dix ans de plus que lui. Mais il l'aime. « Je sais, j'ai fini par le comprendre. » « Tu as cru que tu étais... ? » Elle ne finit pas sa phrase et Nolan sent une boule se former dans sa gorge alors qu'il se rend compte qu'elle a les larmes aux yeux pour lui. « Mon père a passé des jours à me le répéter. C'est facile pour un gamin de huit ans de croire qu'il a tué sa maman parce qu'il agissait comme un petit con. Les mots de mon père. » « Nolan... » Elle prend son visage en coupe, les joues humides. « Je suis tellement désolée que tu aies dû grandir avec un tel monstre et dire adieu à tes rêves à cause de lui. » Nolan pose une main sur celle de Rose. « Rose... Pourquoi t'es toujours là ? » Elle fronce les sourcils. « T'aimes pas mon père, tu l'aimes plus depuis que tu vis ici. Pourquoi tu t'en vas pas ? » « Parce que je t'aime toi !» avoue-t-elle. Leurs lèvres s'écrasent et ils finissent la nuit sur le canapé.

chapitre quatre ≈ Leur liaison ne reste pas un secret pendant longtemps. Ils n'ont pas vraiment cherché à être discrets non plus. « TU L'AS FOUTUE DEHORS ! » hurle Nolan en déboulant comme un fou dans le bureau de son père où celui-ci se prépare pour aller au travail. « A quoi tu t'attendais ? Que j'allais la laisser vivre ici pour que tu la sautes dès que l'envie t'en dit ? » Son père est furieux mais Nolan l'est encore plus. « Je l'aimais ! » Son père renifle amusé. « Bien sûr et elle t'aimait aussi n'est-ce pas ? Et elle est où maintenant ? Partie sans laisser une trace. Ce n'est pas surprenant. Tu sais où je l'ai rencontrée ? Elle t'a raconté ? » Les sous-entendus de son père laissent Nolan fou de rage et sans réfl"chir, il fonce sur son père jusqu'à ce qu'il cogne contre le mur. Son père réplique aussitôt par un crochet du droit et Nolan est tellement surpris qu'il titube et rentre dans une étagère, faisant tomber un tas de dossiers avec lui. « Tu oses lever la main sur moi fils ? Je te conseille de ne pas recommencer si tu ne veux pas que je te fasse la peau avant de te jeter dehors. Après l'humiliation que tu m'as fait subir... » Son père continue de radoter mais Nolan ne l'écoute plus. Il a les yeux rivés au sol sur une petite feuille de papier où est imprimé en noir et caractères gras : CERTIFICAT DE NAISSANCE. Néanmoins, ce n'est ni son nom ni celui de qui que ce soit qu'il connaisse dessus. Il ramasse le document et le scanne rapidement. L'envie de vomir l'envahit quand la réalité le frappe de plein fouet. « J'ai une soeur ? » demande-t-il la voix nouée, le visage affreusement pâle. Son père s'arrête d'un coup et ses yeux se rétrécissent tellement que Nolan rigolerait si le départ de Rose plus la découverte d'une à première vue demi-soeur ne venaient pas de s'accumuler. Il se sent déconnecter, se demandant comment cela est devenu sa vie ? Comment cela peut-être une vie ? Grandir avec un père qui le déteste, bousiller ses rêves pour des bêtises, tomber amoureux de la fiancée de son paternel, découvrir qu'il a une demi-soeur comme si la réalité était un fichu script des feux de l'amour. Son père traverse la distance qui les séparent en deux pas, lui arrache le papier des mains avant de l'attraper par le col et de le remettre violemment sur ses pieds. Il serre tellement que Nolan a dû mal à respirer. « Tu quittes ma maison sur le champ, je ne veux plus jamais te revoir. » Il pousse violemment Nolan qui manque de trébucher de nouveau. Il a les yeux écarquillés, le corps qui tremble à cause de la haine et il tourne le dos sans un mot. C'est la dernière fois qu'il voit son père.

chapitre cinq ≈ Il est à Pasadena depuis un mois quand on sonne à sa porte. Quand il est parti de chez lui, il a dépensé une bonne partie de ses économies pour trouver le lieu où vit la seule famille qui lui reste. Il est arrivé ici. Nolan ouvre la porte et s'il avait eu quelque chose dans les mains, il l'aurait fait tomber. Devant lui se trouve Rose qu'il n'a pas vu depuis un an, depuis que son père l'a mise à la porte. Dans ses bras, un bébé. Nolan peut sentir la jalousie brûler dans sa poitrine. Il ne l'a jamais oubliée et voilà qu'elle a refait sa vie. « Tu me laisses rentrer ? » Nolan s'écarte pour la laisser rentrer sans même le réaliser. Le choc l'a figé et les pensées se mélangent dans son esprit. Lui qui avait recommencé à trouver un semblant de vie sait que le retour de Rose va détruire tout ce qu'il a construit. « Hum... Tu veux quelque chose à boire ? » demande-t-il maladroitement alors qu'ils sont assis dans son petit salon. « Non merci. Nolan, voici Enora. Ma fille. C'est aussi la tienne. » Elle lance cette bombe avec une telle sérénité que Nolan ne peut s'empêcher d'éclater de rire. La petite est réveillée et le regarde avec de grands yeux curieux avant de se mettre à rire à son tour et de secouer ses petits poings en l'air. Rose sourit et embrasse sa fille sur le front pour l'apaiser. Les yeux de Nolan s'écarquille. La scène devant lui le ramène à la réalité : tout est tellement vrai et juste. Pourquoi Rose mentirait ? « Tu es sûr ? » demande-t-il la voix nouée. Il peut sentir la colère arriver de nouveau. Pourquoi revenir maintenant ? Mais Rose le connait, elle l'a appris par coeur. « Ton père est venu me voir la veille de mon départ. Il m'a donnée de l'argent pour disparaître et il a menacé de te faire du mal si j'essayais de rester dans ta vie. J'ai appris que j'étais enceinte deux semaines plus tard. » « Mais comment ? » La question est tellement ridicule que Nolan ne peut s'empêcher de rougir. A la place, il demande : « Pourquoi maintenant ?» Le visage de Rose s'assombrit. « J'ai hésité puis j'ai appris que tu étais parti de chez toi. J'aurais pu la confier à quelqu'un d'autre mais tu es son père et je sais que tu seras parfait avec elle. » Rose se met à parler tellement vite que Nolan met du temps à comprendre ce qu'elle dit. Nolan se lève, ne supportant plus d'être assis. « Me la confier ? Mais de quoi tu parles ? » Rose a les larmes aux yeux quand elle reprend et Nolan veut la prendre dans ses bras mais tout ça est si soudain qu'il reste debout figé. « J'ai le gène de la maladie d'Huntington. La semaine dernière j'ai fait tomber son biberon. C'est pour ça que je suis venue. Je ne veux pas la blesser et je ne veux pas non plus qu'elle grandisse avec une mère malade. » Elle se lève à son tour et tend Enora à son père. « Prends-là. » Nolan l'attrape maladroitement et Rose s'éloigne à contrecoeur. Enora se met aussitôt à geindre. « J'ai amené l'essentiel de ses affaires, ses papiers et de l'argent pour que tu puisses acheter un lit, une poussette, et le reste. J'ai fait une liste. » Enora pleure pour de bon et Nolan se met à la bercer maladroitement en essayant de suivre Rose qui a déjà attrapé ses affaires et va pour partir. « Attends, Rose, attends ! C'est de la folie, tu peux pas partir comme ça. Tu peux pas encore disparaître, je t'aime et Enora... » Rose le coupe brutalement en l'embrassant. « Veille sur elle. Trouve-toi une personne à aimer, une personne qui aimera Enora comme sa fille. Sois heureux. Et surtout, oublie-moi. Laisse-la m'oublier. Ce sera mieux pour vous deux. Je vous aime. » Et Rose ressort de sa vie, pour de bon cette fois, la laissant avec un cadeau des plus effrayants mais si ce n'est pas le meilleur cadeau d'anniversaire qu'il ait eu. « Joyeux anniversaire Nolan, » murmure-t-il avant de fermer la porte.