With or without you

ames n’arrivait plus à dormir. Environ un mois et demi qu’il ne dormait plus, qu’il ne fermait plus l’œil de la nuit ou presque, depuis l’accident de Hope à vrai dire. Ca avait été un terrible cauchemar, quelque chose à laquelle il ne s’était pas attendu qui l’avait abattu. Il avait d’abord eu peur de la perdre pour toujours, qu’elle ne se relève plus jamais de ce lit d’hôpital, puis, lorsqu’enfin elle l’avait fait, quand il eût l’espoir que leur histoire pourrait réellement débuter, elle lui avait enfoncé un poignard dans le cœur en ne se rappelant pas de lui. Pour ses enfants, c’était pareil. Comment pouvaient-ils encore sourire alors que leur propre mère les avait oubliés ? Ca paraissait terrible. Il n’arrêtait pas d’y penser et ça le minait. Que fallait-il faire pour qu’elle se rappelle ? Est-ce qu’au moins c’était possible ? Il y avait tant de questions, et si peu de réponses… Au bout d’un mois, il doutait déjà. Chaque nuit, il s’efforçait de trouver un moyen pour l’aider, à chercher un objet, un événement, n’importe quoi qui pourrait déclencher un flash, une révélation qui règlerait tous leurs problèmes mais l’amnésie était bien plus maligne que ça. Les médecins disaient que ça pouvait venir à tout moment, n’importe quand, à n’importe quelle occasion, qu’une simple couleur pouvait reconstituer le puzzle alors que les photos quotidiennes pouvaient ne rien changer. C’était un sacré mystère qu’eux-mêmes ne savaient pas résoudre.

Il restait dans sa chambre, la chambre d’ami bien entendu, puisqu’il ne faisait pas réellement partie de la famille, à son grand regret. Il était occupé à lire, essayant d’oublier tous les problèmes qu’il avait eu ces derniers temps. Dire qu’elle ne se souvenait même plus de leur nuit ensemble. Ca le tuait. Peut-être que c’était dérisoire par rapport à tout le reste, mais c’était ce qui lui faisait le plus mal. Pour oublier sa peine, il avait couché avec sa chanteuse, cette fille un peu idiote et surtout très naïve qui depuis le harcelait légèrement de messages et d’appels auxquels il ne prenait même plus la peine de répondre. Il avait fait une sacrée erreur ce soir-là. Il fallait qu’il s’explique, qu’il s’excuse, et surtout, qu’il prie pour qu’elle ne quitte pas le groupe pour cette histoire. Les fans étaient habitués à sa voix, et si les musiciens pouvaient se remplacer parfois, la chanteuse était indispensable. Il avait merdé. Il pensait à tout ça, ne lisant qu’à moitié ce livre qu’il avait commencé depuis déjà un certain temps, affalé sur son lit, lorsqu’il entendit le plancher craquer légèrement. Qui pouvait bien être debout à cette heure ? Est-ce que c’était Noah qui avait fait un cauchemar ? Ca lui arrivait parfois. Il se leva, intrigué, enfila un bas de pyjama, et hésita un instant devant la porte. Et si c’était elle ? Ca lui faisait tellement mal de la voir ainsi, totalement ignorante.

Après quelques secondes, il secoua la tête et ouvrit la porte avant de sortir, regardant à droite et à gauche pour voir si quelqu’un était débout. Il fit le moins de bruit possible, pour ne pas réveiller Dieu seul savait qui dormait encore, et descendit doucement les escaliers. En plein milieu, une marche craqua, il lâcha un juron murmuré avant de continuer. Il aperçut Hope assise sur le canapé, U2 en fond. Il esquissa un sourire. Ca, ça n’avait pas changé. Elle se retourna enfin vers lui avant de s’excuser. Elle non plus ne dormait pas, rien d’étonnant… Il sourit doucement, puis s’installa à côté d’elle. « Non, c’est rien, tu m’as pas réveillé, je ne dormais pas en fait… » Ca se voyait à ses cernes qu’il était victime d’insomnies. Il la fixa un instant avant de se concentrer sur ce qu’elle faisait. Des albums étaient disposés ça-et-là sur la table basse, dévoilant des photos que James connaissaient bien. « Qu’est-ce que tu fais avec ça ? Tu essaies de te rappeler ? » C’était évident. Elle devait certainement regarder les photos sans jamais les reconnaître. Ca devait être terrible pour elle aussi. Il serra légèrement les poings, déconcerté par son inutilité. Il aurait tant voulu pouvoir lui injecter un quelconque sérum qui lui restitue sa mémoire, mais bien sûr, il en était incapable. Il ne pouvait rien faire et ça le détruisait.

Il la regarda une nouvelle fois et sourit à nouveau, se voulant rassurant, avant que son regard soit attiré par une photo bien particulière. Il la détacha de l’album et la lui montra. « Tu vois cette photo ? C’était à la naissance de Noah. Avant qu’il ne vienne au monde, tu avais peur de ne pas être une bonne mère, ça t’effrayait à un point assez incroyable, mais à son arrivée, tu n’as plus eu peur. Tu as dit que c’était venu naturellement, comme si tu savais exactement, au fond de toi, ce dont il avait besoin. Ca m’a toujours intrigué, j’ai jamais compris. On dit que c’est l’instinct maternel, moi je dis que c’est un don. » Il reposa la photo sur la table en souriant, nostalgique. Il aurait tant aimé être père lui aussi… Avec elle évidemment. Il se frotta la joue et s’apprêta à se lever. « Tu veux un thé, ou quelque chose à boire ? » Tant qu’il était là, autant se rendre utile. Il resterait avec elle toute la nuit s’il le fallait. Il était prêt à tout pour qu’elle retrouve la mémoire.

With or without you

epuis l’accident de Hope, James n’arrivait plus vraiment à dormir. Lorsque par miracle il lui arriver de fermer l’œil, il faisait toujours le même rêve, ce cauchemar incessant qui le torturait encore et encore jusqu’à le réveiller en sursaut, suant comme jamais. Il se souvenait sans cesse de ce soir où on l’avait appelé pour lui dire qu’elle avait eu un accident et qu’elle était plongée dans le coma sans qu’il ne soit jamais sûr qu’elle ne se réveille. Chaque fois, il ressentait cette même frayeur intense qui le paralysait, il avait ce même trou noir lorsqu’il s’était retrouvé au sol l’instant après l’annonce. La même panique, c’était comme s’il revivait tout en rêve. Elle s’en était pourtant sortie, elle était vivante, elle était là, elle allait bien malgré son amnésie, mais le choc l’avait comme traumatisé. Il lui faudrait bien plus de temps pour se remettre, s’il arrivait à s’en remettre un jour… En attendant, il enchaînait les nuits cauchemardesques parsemées d’insomnies, à se demander comment il pouvait bien aider Hope. Elle devait être bien plus perdue que lui. Il aurait voulu avoir des pouvoirs magiques ou une potion quelconque pour lui restituer ses souvenirs, ou au moins l’apaiser si ce n’était pas possible. Malheureusement dans ce monde, la magie, les potions, les remèdes miracles, ça n’existait pas. Il allait falloir vivre avec jusqu’à ce qu’elle décide d’avoir un flash, si toutefois il arrivait. Rien n’était moins sûr. Après tout, peut-être que la disparition de Julian l’avait assez tourmentée pour qu’elle ne veuille pas se rappeler de sa vie, qui pouvait bien le savoir ? Il aurait tant voulu qu’elle se souvienne de lui, juste de James, comme une bouée de sauvetage, mais c’était croire à Blanche-Neige et son Prince Charmant que d’y penser. Il n’était certainement ce type en costume arrivé de son cheval blanc pour réveiller la jolie porcelaine. Non, lui il était plutôt le nain Grincheux ne voulant pas avouer son amour profond pour elle. Rien à voir.

Il n’était apparemment pas le seul éveillé cette nuit, puisqu’il entendit des pas dans le couloir. Au début, il pensa à Noah, qui lui aussi avait quelques problèmes pour s’endormir ces derniers temps, mais finalement, il s’aperçut en descendant l’escalier, faisant craquer une marche au passage, qu’il s’agissait de la jolie blonde amnésique. Lorsqu’elle se retourna, son cœur se serra. Il n’y avait qu’elle pour lui faire un effet pareil. Il esquissa un léger sourire lorsqu’elle s’excusa, pensant apparemment qu’elle l’avait réveillé. Si seulement, pensa-t-il. Il lui assura que non en s’asseyant à ses côtés, avouant son incapacité à trouver le sommeil ces derniers-temps. Dans toute sa gentillesse, elle lui demanda s’il voulait en parler. Il hésita. Il avait envie de tout déballer, tout ce qu’il savait, tout ce qu’il ressentait pour elle, mais même l’ancienne Hope ne l’avait jamais su, comment pouvait-il tout dire à une amnésique ? Ce n’était pas juste. Il baissa la tête, puis la regarda, sourire attendri. Elle n’avait pas à se soucier de lui, elle avait largement de quoi faire avec elle-même. « C’est rien… Le stress de l’accident, et du reste j’imagine. » Il faisait comme s’il ne s’agissait que d’un fait divers, allégeant son angoisse en le qualifiant négligemment de ‘stress’. Pas besoin de l’inquiéter plus que ça, et surtout, hors de question qu’elle sache qu’il avait eu autant peur.

Il finit par lui demander ce qu’elle faisait avec ces albums photos, et avança l’hypothèse qu’elle tentait de se rappeler de sa vie. C’était évident, après tout, quoi de mieux que des photos pour prouver l’existence de telle ou telle chose ? Elle acquiesça, mais ça ne paraissait pas concluant. Oui ça valait le coup d’essayer. Peut-être qu’un jour une photo lui causerait un flash, qui en déclencherait un autre et ainsi de suite ? Personne ne pouvait savoir, pas même les médecins, pas même elle, absolument personne. Rester dans l’ignorance totale, c’était bien le pire. « Oui, peut-être que ça pourrait t’aider, on ne sait pas ce que ton cerveau détraqué pourrait bien avoir planifié pour toi après tout ! » Il rigola légèrement, plaisantant pour détendre un peu l’atmosphère même s’il n’était pas le meilleur à ce jeu-là. Malgré tout, il ne put s’empêcher de se reprocher d’être si inutile. Il serra les poings comme pour contrôler son auto-flagellation. Il détestait devoir attendre sans pouvoir rien faire de très aidant. C’était insupportable. Tout ce qu’il pouvait accomplir pour se rendre utile, c’était veiller sur elle et sur ses enfants du mieux qu’il le pouvait. Ce n’était donc rien en comparaison de l’amnésie de Hope.

Comme en réponse à ce reproche, il sortit une photo de la naissance de Noah en lui expliquant ce qu’elle lui avait elle-même dit autrefois au sujet de sa frayeur d’être une mauvaise mère et ce que l’arrivée du petit bout avait changé. L’instinct maternel. James avait toujours été fasciné par ce don qu’elle avait de comprendre ses besoins à la seconde. Cette pensée le rendit bien nostalgique, et il se mit à penser à nouveau qu’il aurait adoré être le père de ce gosse. Il se demandait parfois si elle l’aurait choisi lui au lieu de Julian s’ils s’étaient rencontrés plus tôt. Il ne trouvait jamais la réponse. Il se frotta la joue lorsque Hope lui confia un peu de ses peurs. Elle voulait se rattraper comme si son amnésie était une faute et qu’elle était terriblement coupable. Comme s’ils pouvaient réellement lui en couloir pour ça. « Non, ils ne sont pas comme ça. Ils sont intelligents, ils savent que tu n’y es pour rien. Bien sûr ça leur fait mal, comme à nous tous, mais c’est pas ta faute. Quant à l’instinct maternel, je ne pense pas que tu l’aies perdu un seul instant. » Il esquissa un sourire rassurant avant de lui demander si elle voulait quelque chose à boire, prêt à se lever. Il voulait la choyer, en quelque sorte, mais elle ne semblait pas du même avis.

Elle se leva pour se diriger vers la cuisine et, inconsciemment, il la suivit, comme pour la surveiller, qu’elle ne fasse aucune chute, comme pour la garder toujours à l’œil, au cas où, alors qu’il n’en avait pas réellement le droit. C’était plus fort que lui. Elle se tourna vers lui en lui demandant s’il voulait quelque chose et il sourit. « La même chose que toi, c’est très bien. » Elle prépara les boissons et les réchauffa au micro-ondes. Ils se regardèrent quelques instants, en silence, puis la sonnerie de l’appareil retentit. Elle tendit une tasse à James qu’il prit aussitôt avant de retourner au salon, la suivant de près. Puis soudain, elle se mit à le regarder en lui posant la question qu’il aurait préféré ne jamais entendre. Que devait-il dire ? Elle voulait qu’il lui raconte se souvenirs. Devait-il mentir ? Devait-il parler de son frère en mal, espérant ainsi s’attirer ses grâces en l’écartant sournoisement ? Il aurait pu. Il aurait tellement pu profiter de la situation, se vanter, inventer une aventure continue entre eux, s’imaginer être l’amant de la femme de son frère, lui raconter une histoire d’amour secrète et surtout terriblement fausse. Il aurait tellement pu, et surtout bien voulu, mais il n’était décidément pas comme ça. « Qu’est-ce que tu veux que je te raconte exactement ? Tu as rencontré Julian à dix-huit ans et il t’a vite présenté à moi, neuf mois après vous étiez mariés, vous avez eu deux merveilleux enfants, puis un jour, sans raison, il est parti. Tu ne l’as plus revu, pas que je sache en tout cas. Et on a… non rien. Tu as attendu longtemps qu’il revienne, tu as espéré, et tu n’as rien dit à tes enfants, tu leur a… menti… en disant qu’il reviendrait, pour les protéger, pour ne pas leur faire du mal. Mais au final il n’est pas là comme tu le vois. Puis il y a eu cet accident. » Il ne voulait rien dévoiler, rien de leur aventure en tout cas, ou du moins, il savait qu’il ne devait rien dire. Après tout, Julian était tout de même son frère et rien ne changerait ça. Il ne pouvait pas le trahir une deuxième fois de la sorte.

With or without you

ncore une fois, James n’arrivait pas à dormir. Ce n’était pas la première et ça ne serait certainement pas la dernière fois. Il se leva après avoir entendu un bruit et descendit l’escalier le plus silencieusement possible, avant de s’apercevoir que Hope non plus ne dormait pas. Est-ce que ça lui arrivait souvent à elle aussi ? Est-ce qu’elle descendait régulièrement ces marches pour finir par s’échouer sur le canapé ? Il n’en savait rien et ça l’inquiétait. Lorsqu’elle lui demanda la raison de son insomnie, il préféra rester fier et discret, comme toujours, expliquant qu’il ne s’agissait sans doute que du stress de l’accident, comme si au fond ce n’était pas grand-chose, alors qu’il passait son maigre temps de sommeil à rêver encore et encore de cette terrible nuit, le hantant comme jamais auparavant. Ce n’était peut-être pas à lui de s’inquiéter autant, après tout il n’était que son beau-frère, mais c’était plus fort que lui. Cependant, il garderait le secret le plus longtemps possible, n’ayant aucune envie de brusquer qui que ce soit. Il avait déjà fait bien assez de dégâts comme ça selon lui. Elle lui affirma qu’il pouvait lui parler si besoin… Il aurait bien voulu, mais cela aurait signifié trahir son frère, et Hope elle-même par la même occasion. Il ne pouvait pas être si mesquin. « T’en fais pas pour moi, t’as déjà assez à penser comme ça. » Il lui sourit gentiment, ne voulant pas l’inquiéter de quelque manière que ce soit.

Elle voulait se souvenir, ça se voyait, elle faisait des efforts pour essayer d’avoir un déclic, admirant encore et encore les mêmes photos. Bien sûr que ça pouvait l’aider, on ne pouvait pas savoir, tout pouvait marcher, et c’était déjà bien de sa part d’essayer. Il plaisanta alors sur son cerveau détraqué dans le but de détendre l’atmosphère, pas certain cependant que ça ait bien fonctionné. Pourtant, elle renchérit et joignit son petit rire au sien. Mieux valait rire parfois, plutôt que de s’apitoyer bêtement. Elle n’était pas morte, et fort heureusement ! Il n’aurait pas su quoi faire si elle n’était jamais revenue. Il avait besoin d’elle alors qu’il ne faisait même pas vraiment partie de sa famille. Aux yeux de tous, il n’était que le beau-frère protecteur et ami, mais rien de plus. Il fallait croire qu’il avait été plus que discret ces quinze dernières années. Si on lui avait dit plus tôt qu’il pouvait garder un tel secret pendant si longtemps, il aurait ri, surtout en sachant qu’il s’agissait de la femme de son frère. Avec Julian, ils n’avaient jamais eu ce genre de conflit. Jamais ils ne se disputaient une femme, jamais ils ne volaient la petite-amie de l’autre, comme un code d’honneur muet et évident chez eux, et que pourtant, il avait bafoué. Trahir son frère resterait certainement sa plus grande honte. Et pourtant il n’avait pas de regret, sauf peut-être le fait qu’elle ait tout oublié…

En lui montrant une photo de la naissance de Noah, il lui raconta un bout de son histoire, un passage qu’elle-même lui avait raconté un jour, comme avec un confident. C’était peut-être ce qu’il était devenu après tout ce temps… Il ne saurait jamais, très certainement. Elle s’en voulait d’avoir perdu la mémoire comme si tout était de sa faute, comme si elle le faisait exprès. Elle avait peur que ses enfants en souffrent. Evidemment qu’ils souffraient, mais ils étaient bien assez intelligents pour comprendre et ne pas lui en vouloir. Il tentait de la rassurer du mieux qu’il le pouvait, convaincu par ses mots. Non, Noah et Andrew ne lui en voulaient pas, ils ne lui en voudraient jamais pour ça. Est-ce qu’ils en parlaient avec lui ? Il hésita un instant. Il se souvenait parfaitement bien de cette fois où Noah lui avait clairement dit qu’il aurait préféré l’avoir lui pour père. Il devait garder ça pour lui pour ne pas tout bousiller. « Noah me parle parfois, oui… Avec Andrew, j’ai plus de mal, je crois qu’il ne me fait pas complètement confiance… Ou en tout cas, il voudrait que ce soit son père qui soit là. » Ca, il en était sûr. Andrew voulait le retour de son père, et la présence de son oncle n’était pour lui pas une très bonne chose apparemment.

Il hocha machinalement la tête, faisant la moue, avant de lui demander si elle voulait boire quelque chose, prêt à se lever pour la servir. Depuis qu’elle était revenue, il essayait de s’occuper au mieux d’elle. Cependant, elle refusa son aide et se dirigea elle-même dans la cuisine. Il ne put s’empêcher de la suivre pour s’assurer que tout irait bien. Elle prépara deux chocolats chauds, et ils se toisèrent durant les quelques minutes de cuisson, sans un mot. Lorsque les boissons furent prêtes, ils retournèrent dans le salon et elle lui posa la question à laquelle il aurait préféré ne jamais répondre. Elle voulait ses souvenirs, elle voulait qu’il lui raconte. Il déglutit et commença son récit. Elle lui posait des questions, c’était une torture. Bien sûr qu’il se souvenait de leur rencontre, comment aurait-il pu oublier ça ? Il fixa sa tasse un instant avant de répondre, à contrecœur. « Vous vous êtes rencontrés à un mariage… Julian m’a dit que… Que c’était comme un coup de foudre, qu’il avait tout de suite su que tu étais celle qu’il lui fallait… » Il avait mal au cœur d’être à ce point honnête. « Quant à nous, eh bien… Vous êtes simplement venus à mon appartement un jour et il m’a présenté à toi. Voilà. » Ca paraissait bien moins magique, évidemment. Mais il ne dirait pas ce qu’il avait ressenti à cet instant-là.

Elle enchaîna sur d’autres questions, elle voulait savoir, tout savoir, de A à Z. Un amant ? Il s’étouffa avec la gorgée qu’il venait de prendre. Pourquoi cette question précisément ? Pourquoi à lui ? Il la regarda un moment avec un air de reproche, mais parla tout de même. « Il… m’a rien dit. Honnêtement, je sais pas s’il était malheureux ou non, il m’a toujours semblé heureux, mais peut-être que je me trompais… Et franchement, comment je saurais si tu as eu un amant ou non ? On ne raconte pas ce genre de choses à son beau-frère ! » Il mentait terriblement bien. Pourtant lorsqu’il continua son récit, il gaffa. Un simple début de phrase qui voulait tout dire. Il espérait qu’elle n’ait pas fait attention, mais ce détail ne lui avait pas échappé. Il déglutit. Qu’est-ce qu’il devait dire maintenant ? Il fixa sa tasse, coupable, avant de revenir à elle et reprendre la parole. « Rien… On a beaucoup parlé, on a discuté des raisons qui auraient pu le pousser à partir, on a espéré… » Il priait presque pour qu’elle y croit, alors que lui-même n’était pas convaincu de ses mots. Il stressait à l’idée qu’elle ait déjà tout compris. Et si ça gâchait tout ? Si elle se mettait à paniquer d’un seul coup ? Il ne voulait pas que ça arrive.

Ils changèrent de sujet pour revenir à ses enfants. Il lui avoua qu’elle leur avait menti sur le départ de son mari. Elle leur avait fait croire qu’il reviendrait, peut-être convaincue qu’il le ferait un jour, mais pour James, ça avait toujours été clair, Julian ne comptait vraisemblablement pas revenir. Il n’avait donné aucune nouvelle depuis son départ, ça voulait tout dire. Elle répondit qu’elle ne voulait plus leur mentir. Elle semblait aller terriblement mal, et si la situation avait été plus simple, il l’aurait prise dans ses bras pour la rassurer. Il se contenta de sourire tendrement. Il évoqua rapidement l’accident, ne voulait pas se rappeler de cette douleur qu’il avait ressentie lorsqu’elle lui avait avoué ne pas le reconnaître. Comme si elle avait lu dans ses pensées, elle s’excusa de ce fait. Il fronça les sourcils. Elle n’était pas fautive, il ne pouvait pas lui en vouloir. « C’est rien, tu n’y peux rien, c’est comme ça. Et puis… Ce n’était que moi ! » Il lâcha un bref rire, passant ça pour une blague alors que dans ses paroles, on sentait un fond d’amertume. Il aurait voulu être plus que ça.

With or without you

lle voulait tout savoir, elle voulait se souvenir, en apprendre plus sur son passé, posant toujours plus de questions. James n’était pas vraiment convaincu d’être le mieux placé pour y répondre, ou du moins, pas celui qui aurait dû lui raconter. Bien sûr qu’il savait, lui, il était au courant de tout, ou presque, il avait passé suffisamment de temps avec elle pour qu’elle lui raconte son passé, pour qu’elle lui dise tout, il était comme une sorte de confident pour elle, ou en tout cas c’était ce qu’il pensait, jusqu’à ce qu’il devienne plus que ça. Il ne voulait pas jouer le fourbe et lui avouer leur liaison alors que son frère n’était même pas là et qu’elle ne se souvenait de rien, c’était trop facile, trop déloyal, il avait bien trop de respect pour elle, pour ses enfants, et pour son frère également, même s’il ne le méritait sans doute pas. Après tout il avait quitté sa vie sans rien expliquer à personne et n’avait plus jamais donné de nouvelle. Il n’était donc pas en droit de réclamer quoi que ce soit, mais James préférait jouer justement, ce n’était pas son truc la fourberie. Il avait attendu quinze ans, il pouvait bien patienter encore un peu, et s’il arrivait que Hope choisissait encore une fois son frère, s’il revenait, alors il s’effacerait, cette fois vraiment, il la quitterait, il disparaitrait pour essayer d’oublier toutes ces années d’amour à sens unique, même si quinze années, ça ne s’efface pas comme ça. Peut-être qu’il tenterait de se suicider, en espérant que s’il s’en sortait, il oublierait lui aussi. Il préférait ne pas penser à tout ça pour le moment. Il se contentait d’être là pour elle, pour Andrew et Noah, de les aider à la place de Julian, et de répondre à ses questions autant que possible sans cracher le morceau.

Ils en vinrent à parler d’Andrew et Noah, de comment ils se comportaient, de ce qu’ils ressentaient. Elle s’en voulait de ne plus se souvenir comme si c’était de sa faute, et il la rassura en lui disant que ses enfants ne lui en voudrait pas pour ça. Leur père leur manquait, ou en tout cas, il manquait à Andrew certainement plus qu’à Noah. Elle voulait savoir s’ils parlaient à James, ce que Noah pouvait bien lui dire de plus. Il n’oserait jamais lui avouer que son fils lui avait raconté qu’il aurait préféré qu’il soit son père. Il baissa un peu la tête, en pleine réflexion, avant de lever les yeux vers elle. « Noah… Il me parle de ses cauchemars, il vient me voir quand il n’arrive pas à dormir, et on joue un peu de piano, je crois que ça le détend, peut-être qu’on a un autre musicien dans la famille après tout ! ahah ! Il ne se confie pas tant que ça, enfin, plus qu’Andrew bien sûr, mais pas au point de tout savoir. Je pense qu’il perçoit plus la situation, je crois qu’il sait déjà que son père ne reviendra pas… Andrew espère encore beaucoup c’est vrai, je pense qu’il me voit comme… Une espère de menace en quelque sorte. » Peut-être que le plus petit avait compris que son oncle craquait depuis bien longtemps pour sa mère, peut-être qu’il le sentait, et qu’il le voyait de ce fait comme celui qui empêcherait Julian de revenir, comme si c’était possible. Il pouvait l’aimer tant qu’il voulait, Hope ne ressentirait certainement jamais la même chose. Cette nuit passée ensemble, c’était parce qu’elle se sentait seule, voilà tout. Et maintenant elle avait oublié.

Il voulait l’aider, s’occupant d’elle coûte que coûte, prêt à se lever pour chercher quelque chose à boire, mais elle le stoppa pour s’en charger elle-même, se dirigeant dans la cuisine, suivie de près par James, et elle prépara deux chocolats chauds avant qu’ils ne regagnent le salon après un petit temps de silence. Aussitôt, les questions reprirent. Comment elle avait rencontré Julian. Il avait entendu cette histoire des tas de fois, avec toujours la même douleur au cœur quand on lui disait qu’ils étaient tombés amoureux au premier instant. Il raconta malgré tout cette histoire, en toute honnêteté, incapable de mentir en dégradant son frère. Elle sembla étonnée d’entendre parler d’un coup de foudre. Si ça existait ? Evidemment ! Il avait ressenti ça lorsqu’il l’avait vu la première fois, à sens unique évidemment, mais tout de même. Elle avait raison, il aurait dû être là s’il l’aimait vraiment. Il sourit tristement, ne pouvant qu’admettre qu’elle avait totalement raison. « C’est vrai, il aurait dû être là, et il devrait être là, maintenant, à ma place. Peut-être que vous vous êtes violemment disputé et qu’il est parti, je n’en sais rien. Et pour ce qui est du coup de foudre… Je t’assure que oui, ça existe. Et ça détruit autant que ça construit. » Il parlait en connaissance de causes, ça se voyait. Il la fixa un instant avant de baisser la tête pour finalement rencontrer leur rencontre à eux, paraissant si banale tout à coup. Elle ne tarda pas à lui faire remarquer cette simplicité, et il serra le poing sur son genou pour se retenir de hurler. Rien de particulier ? Pour elle peut-être, mais pour lui ça avait tout changé. Il serrait également les dents, nerveux. « Ouais, rencontre totalement banale. » On sentait bien la rancœur dans sa voix, mais il tâcha de reprendre malgré tout son calme pour ne rien laisser paraître.

Elle se mit à lui demander si elle avait un amant, ce qui le fit s’étouffer, voyant comme une injustice le fait de devoir répondre à cette question, lui, le seul qui savait que oui, mais celui-là même qui devait lui mentir. Il lui répondit, affirmant qu’il n’en savait rien, que ce n’était pas le genre de choses qu’on racontait à son beau-frère. Elle ne savait plus qui elle était, oui, mais James la connaissait, il savait tout d’elle ou presque. « Tu aimais Julian. Tu ne lui aurais jamais fait ça, je peux t’assurer à deux cents pour cent que ce n’est pas pour ça qu’il est parti. » Ca, c’était vrai. Leur aventure n’avait eu lieu qu’après le départ de Julian. Avant ça, elle n’aurait jamais touché à un autre homme. Elle secoua la tête et rit légèrement, disant qu’elle avait trop d’imagination. Il se contenta de sourire sans rajouter un mot, puis lorsqu’elle le lui demanda, il continua son récit, lâchant malgré lui un début de phrase qui voulait tout dire, et qu’il regretta aussitôt. Elle devint suspicieuse et il s’efforça de trouver une explication logique qui n’impliquait pas la vérité. A sa grande surprise, elle le crut. Un peu trop peut-être, en vue de ce qu’elle racontait à présent. Encore un couteau en plein cœur. Combien de coups avait-il reçu en quinze ans ? Assez pour s’effondrer sans doute, mais il était encore là. Il joignit son rire à celui de la blonde, amer pourtant, vexé. « Oui hein, c’est dégueulasse d’y penser pas vrai ? » Ce qu’il pouvait la détester de lui faire si mal.

Hope ne voulait plus mentir à ses enfants comme elle l’avait fait autrefois, en leur racontant que leur père allait rentrer. Elle avait raison, il ne reviendrait sans doute pas, et les faire espérer pour rien risquait de les blesser encore plus. Il hocha la tête, bien obligé de se rendre à l’évidence : son frère ne réapparaitrait pas. « Oui, c’est le mieux à faire je pense. Je crois que c’est fini maintenant. Ce n’est plus la peine d’espérer qu’il revienne après tout ce temps… » C’était triste à dire, mais après tout, il serait déjà là s’il avait pensé à rentrer non ? Il ne fallait plus compter sur sa présence désormais. James n’aurait jamais pensé que son frère puisse se comporter de la sorte un jour. Il se sentait également coupable de ne pas l’avoir retenu ce jour-là, lorsqu’il était venu lui dire qu’il s’en allait. Il ne l’avait pas cru, il aurait dû se méfier. C’était trop tard désormais.

Il aborda rapidement le sujet de l’accident, n’ayant aucune envie de s’attarder dessus, et elle s’excusa encore de ne plus se souvenir, et sa réaction à son réveil à l’hôpital. Comme si c’était sa faute. Il lui assura que ce n’était rien, que ce n’était que lui après tout, il n’était pas grand-chose. Elle culpabilisait malgré tout, lui avouant qu’il comptait pour elle, malgré ses souvenirs perdus, ce qui le toucha, étirant un sourire sur ses lèvres. Alors il comptait au moins un peu. « Ca viendra avec le temps. J’espère en tout cas. Tout le monde aimerait que tu te rappelles bien sûr, et parfois, je craque c’est vrai, je voudrais qu’il y ait un remède miracle mais… y en a pas. On ne peut qu’attendre en espérant que ça marche. Un jour, tu verras, tu te rappelleras. De tout. » Il espérait grandement que ça se produise, et vite. Il insistait sur le ‘tout’, englobant par la même occasion cette nuit merveilleuse qu’ils avaient pu partager, et qu’il aurait préféré qu’elle n’oublie jamais. Il ne voulait pas la brusquer, mais l’idée d’avoir une fois de plus manquer le bonheur de si peu, ça le rendait dingue, lui aussi.

With or without you

ames avait beau lui répéter qu’elle n’était pas responsable de sa perte de mémoire, Hope continuait de culpabiliser. Elle semblait persuadée que ses enfants lui en voulaient, comme si elle avait pu éviter tout ça. Au fond, s’il y en avait un qui devait s’en vouloir, c’était plutôt James. Elle avait eu cet accident en allant chercher les enfants alors que ces derniers temps, c’était lui qui s’en chargeait à sa place. Il avait vite deviné qu’elle l’évitait depuis leur nuit ensemble, et il aurait dû insister pour passer prendre Andrew et Noah à l’école à sa place. Ainsi, elle n’aurait pas été dans cette voiture, elle n’aurait pas eu cet accident et tout aurait été parfait. Leur seul problème aurait été de savoir si cette nuit avait autant comptée pour elle que pour lui. Mais c’était trop tard maintenant, ce foutu destin en avait décidé autrement, à croire qu’il s’acharnait. Elle ne se souvenait de rien, et elle se sentait coupable. Pourtant, James connaissait bien Noah et Andrew, il savait pertinemment qu’aucun d’eux n’en voulait à leur mère. Ils  n’étaient pas comme ça, c’était de bons garçons, intelligents avec ça. Noah se confiait à lui, comme un fils se confierait à son père, et c’était ce qu’il ressentait. Ca flattait James, lui qui aurait voulu être le père de ces enfants, voilà que l’un d’eux le considérait comme tel. Cependant, il ne pourrait pas dire ça à Hope, ni à quiconque, ça risquerait de déranger.

Lorsqu’Hope lui dit qu’elle aimerait que Noah lui ressemble, il ne put s’empêcher de sourire. Elle n’avait pas idée à quel point cette idée lui plaisait. Il perdit un peu son sourire lorsqu’elle demanda à propos d’Andrew, fronçant les sourcils en cherchant quoi répondre. « Il ne doit sans doute pas apprécier que sa mère soit avec quelqu’un d’autre que son père. Enfin… Pas comme ça… Euh… Que quelqu’un prenne la place de son père… Enfin… Pas vraiment… » Il s’embrouillait complètement, bafouillant bêtement, rougissant légèrement. Il baissa la tête pour se passer une main sur le visage. « Qu’il y ait un autre homme dans la maison. Ça doit le perturber. » Il souffla, espérant qu’elle ne trouve pas son emportement trop suspect. Il aurait tellement voulu tenir le rôle de son frère, mais il n’en avait toujours pas le droit. L’aurait-il un jour ? Sans doute que non. « Quoi qu’il en soit, ne t’en fais pas, c’est normal que Noah ne se confie pas à toi. C’est un garçon, et les garçons ont plutôt tendance à se confier à leur père… Ou en tout cas… à un homme. » Il avait l’impression de s’enfoncer à chaque mot prononcé. Il se tut donc avant qu’elle ne reprenne ses questions. Sa rencontre avec Julian. Ca lui déchirait le cœur de devoir la raconter, mais il le fit en toute honnêteté, parlant même de coup de foudre que son frère lui avait si souvent raconté. Elle ne semblait pas y croire, et il appuya sur le fait que ça existait, étant lui-même très bien placé pour en parler. S’il l’avait déjà vécu ? Quelle question idiote. Lui dire ? Quelle torture.

Il la regarda du coin de l’œil, hésitant, puis soupira finalement, baissant les yeux sur sa tasse. « Oui… Ca m’est déjà arrivé à moi aussi… » Est-ce qu’il devait tout dire ? Et si elle sentait qu’il s’agissait d’elle ? Il poursuivit malgré tout. « Quand je l’ai vue la première fois… comment dire… J’avais l’impression de savoir du plus profond de mon être que c’était avec elle que je voulais être. Elle était merveilleusement belle. Ses longs cheveux… J’adorais quand elle les attachait rapidement pour y voir clair, et quand quelques secondes plus tard elle les détachait parce qu’elle les préférait comme ça. Et ses yeux… C’est un peu cliché de dire ça, mais je m’y serais noyé bien volontiers. » Il eût une large sourire nostalgique. Il parlait au passé. Il ne fallait pas qu’elle devine. « Je l’aimais tellement… Mais elle était déjà prise. Un ami à moi, celui-là même qui nous avait présenté. C’était son petit-ami. Ca me démontait. Mais elle était heureuse avec lui, ça se voyait, elle l’aimait énormément, et c’était la même chose pour lui. Du coup, je n’ai rien dit. Je n’ai été que l’ami de service, à les voir exploser de bonheur sans moi. Tout allait bien, puis un jour, mon ami l’a quitté. Elle s’est retrouvée seule, et j’étais là. Je l’ai soutenue. J’ai fini par craquer après tout ce temps. On a passé une nuit ensemble. Une seule et unique nuit, mais c’était la plus belle de ma vie. Après ça... Elle m’a évité, elle se sentait mal. Et puis… » Il lança un regard vers Hope. Et puis elle a eu un accident et elle a tout oublié. Tu as tout oublié. Il ne pouvait pas dire ça. « Et puis, elle est morte. J’ai été amoureux d’elle un long moment. Très longtemps. » Il esquissa un bref sourire, triste. Il n’avait aucune idée de comment elle allait réagir. Il ne voulait pas qu’elle se rende compte qu’il s’agissait d’elle.

Il lui raconta ensuite leur rencontre à eux et Hope souligna la banalité de celle-ci, blessant un peu plus James qui ne put s’empêcher de lui répondre d’une façon amère. Oui, pour elle ce n’était pas grand-chose, mais pour lui… Elle lui demanda ensuite si elle avait eu un amant, pouvant expliquer le départ de Julian. Surpris, cette question l’avait fait s’étouffer. Pourquoi elle lui demandait à lui ? Elle fut soulagée d’apprendre qu’elle n’était pas ce genre de femme. Julian elle l’aimait, elle ne lui aurait jamais fait ça lorsqu’ils étaient encore ensemble. Elle avait raison cependant, aujourd’hui, c’était sans doute difficile de s’imaginer l’aimer après ce qu’il avait fait. Il hocha la tête sans répondre. Dire qu’il aurait pu le retenir… Il s’en voulait. Mais Hope le coupa dans sa réflexion. Coucher avec son beau-frère ? Si seulement il pouvait dire que c’était ce qui était arrivé… Mais il avait bien trop de respect, bien trop d’affection pour elle pour tout lui avouer. C’était trop tôt, ça la bouleverserait certainement. Il nia donc, amer lorsqu’elle répliqua que c’était effectivement impossible. Non, ce n’était pas le genre de choses qui se faisait. Peut-être même que c’était impardonnable. Elle lui déchira une énième fois le cœur en lui demandant si elle avait pu agir ainsi. Pourquoi s’acharnait-elle ? Il aurait presque pu croire à une caméra cachée ou à une comédie. Elle était perdue, ça se voyait, mais que pouvait-il bien dire ? « Je suppose que non… » Il ne répondit que ça, tâchant vaguement de paraître amusé par sa question. Ca ne l’amusait pas le moins du monde à vrai dire.

Hope avait menti à ses enfants sur le départ de leur père, les laissant ainsi espérer son retour alors que vraisemblablement, il ne comptait pas rentrer. James n’avait jamais vraiment approuvé sa décision, mais il comprenait. Lorsqu’il lui raconta tout ça, elle annonça qu’elle leur dirait la vérité. C’était mieux comme ça, oui. Ca ferait mal, mais certainement moins que d’espérer le retour de Julian en vain. Cependant, elle se mit à douter d’en être capable. Il sourit, se voulant rassurant. « Dans ce cas, si tu veux, je serai avec toi pour leur expliquer à ta place. » Ce n’était peut-être pas son rôle mais tant pis. Il serait toujours là pour l’épauler, coûte que coûte, comme il l’avait toujours fait du mieux qu’il avait pu. Après un bref récit de l’accident, elle s’excusa de ne pas s’être souvenu de lui à l’hôpital. Ce n’était pas sa faute après tout. Oui, il aurait adoré qu’un remède miracle existe, mais il n’y en avait aucun. Il s’excusa à son tour de s’énerver parfois, craquant face à sa perte de mémoire. Il était un peu trop rude avec elle par moments. Ce n’était pas sa faute à elle. Un boulet ? Quelle idée ! Jamais il ne lui en voudrait de l’accaparer, au contraire. Et de toute façon, c’était son choix.

Il lâcha un petit ricanement et se rapprocha un peu d’elle. « Tu n’as rien d’un boulet. Ca ne me dérange pas d’être ici pour m’occuper de toi, au contraire. Je serai toujours là. » Instinctivement, il passa sa main sur la joue de Hope pour la caresser. Ses yeux glissèrent sur ses lèvres. Il avait tellement envie de l’embrasser, là, maintenant. Ce n’était pas la bonne chose à faire, pas maintenant, alors qu’elle était totalement perdue et pourtant… Incapable de retenir son envie, il posa ses lèvres sur les siennes. Rien qu’un peu, un petit instant à croire qu’ils étaient plus que de simples amis. Il ne désirait que ça.