« Chat c'est toi qui est. » Je relève les yeux plantant mon regard dans celui de mon amie comme pour la défier avant de partir à la course derrière elle. Il me faut à peine quelques secondes pour la rattraper, je suis plutôt rapide – sans doute un effet secondaire de toutes ces heures passées à m’entraîner sur le terrain de baseball. « Pas drôle c'est trop facile pour toi. » « Je peux faire semblant de perdre si tu veux ? » « Non c'est nul. » Les grands yeux tristes de Leah se posent sur moi et je me rapproche un peu d'elle car je n'aime pas quand elle est triste. Mais alors que je ne suis plus qu'à quelques centimètres sa main se tend rapidement vers moi pour me toucher au torse avant qu'elle ne parte en courant. « Touché, je t'ai eu – encore.  » Le sourire réapparaît sur mon visage en une fraction de seconde. Je me fait avoir à chaque fois qu'elle utilise les sentiments à croire que je suis trop facile à manipuler mais pour la peine je compte bien la rattraper dans la seconde.

Après tente minutes de course nous finissons pas nous étaler dans l'herbe l'un à côté de l'autre – Il   n'y a jamais de gagnant ou de perdant entre nous, juste le plaisir de s'amuser ensemble. Nos mains sont toutes proches alors que le rire de Leah résonne dans mes oreilles. Je la connais depuis toujours et je crois que je l'ai toujours aimée. Je voudrais bien lui prendre la main mais je n'sais pas comment faire. Pourtant ça ne semble pas si compliqué quand on le voit dans les films. Mais dans les films ils n'ont pas dix ans, la fille n'est pas Leah et ils ne sont pas essoufflés d'avoir trop joué au chat et à la souris – alors je me dégonfle - une fois de plus. « Ton père était super bizarre quand il t'a déposé ce matin non ? » Je reste silencieux un instant en repensant à ce qui c'est passé ce matin. « Il a eu un coup de téléphone étrange. Après il est devenu tout blanc et m'a dit que je devais me préparer pour venir ici. Qu'il avait quelque chose de très important à faire. J'en sais pas plus. » La main de Leah vient se loger dans la mienne et mon cœur rate un battement. « Tu crois que ça à un rapport avec ta mère ? » « J’espère. » Sa main quitte déjà la mienne – brusquement – laissant un vide apparent alors qu'elle se relève sur un coude pour planter son regard dans le mien. « Vraiment ? » « Peut-être qu'ils l'ont retrouvée... Que notre vie va redevenir normale. » Je lui adresse un sourire peu assuré. Je n'crois pas moi même à cette hypothèse. Ma mère a disparu depuis plus de deux ans maintenant laissant un vide immense dans notre maison et il y a bien longtemps que j'ai arrêté de croire qu'elle reviendrait.

Ma mère était de ses femmes qui font beaucoup de bruit, qui invitent toujours du monde à la maison qui aiment qu'on les regarde, qu'on les entende. Vivre avec elle était parfois folklorique mais jamais ennuyant. Quand elle a disparu les choses sont devenues très différentes, il ne restait plus que ce père froid et étrange qui restait discret et que j'avais toujours vu en coup de vent. Il avait payé des gouvernantes, c'était rendu plus attentif à moi – comme s'il c'était rendu compte que j'existais – mais  tout semblait si différent sans ma mère. Les gens ne cessaient de dire qu'elle avait été kidnappé, qu'on en voulait à l'argent de mon père mais jamais il n'y eu de demande de rançon et l’enquête de police restait infructueuse. Ma mère c'était tout simplement volatilisée.

« Maman dit toujours que t'es comme le fils qu'elle a jamais eu. On pourrait peut-être t'adopter si ta mère ne revient pas. » Je rigole un peu et ça fait du bien. On ne parle normalement jamais de ma mère c'est un sujet bien trop sensible dans ma maison mais aussi dans celle de Leah. Sa mère et la mienne étaient les meilleures amies au monde, unies comme les doigts de la main elles avaient même accouché à quelques mois de différence et nous avaient presque élevé ensemble. Sa disparation avait crée un trou béant partout ou elle était passée. « Ça serait toujours mieux que de continuer de vivre avec madame Irmel. » La dernière gouvernante que mon père avait dégoté était aussi sentimentale qu'un bâton de dynamite et aussi droite qu'un balais, elle me faisait tellement peur que je longeais les murs en rentrant chez moi. « Tanner ? » Je me relève d'un coup en entendant la mère de Leah m'appeller. Je croise le regard de mon amie qui hoche la tête avec conviction alors que nous nous dirigeons déjà vers la maison.

Quand je rentre dans le salon mon père est assis sur l'un des canapé face aux parents de Leah, il est blanc et son regard est vide. Quand je remarque les yeux rougis de la mère de Leah je comprends de suite que ce qui va suivre n'est pas le retour à la normal que j’espérais... « Viens t’asseoir à côté de moi mon chérie. » La mère de Léah tapote la place à côté d'elle alors que mon père semble toujours aussi loin, il ne m'a même pas jeté un regard. Il fixe un point au loin sans expression ce qui est plutôt effrayant et je ne peux décrocher mon regard de lui alors que je vais m’asseoir à la place que l'on m'indique. « La police a retrouvé le corps de ta mère. » Ils ont retrouvé un corps... Un corps sans vie Je voudrais pleurer mais je crois que je le sais depuis longtemps... Je savais que ce jour allait finir par arriver. Celui où l'on me confierait que ma mère ne reviendrait pas... Où l'on m'expliquerait que son corps a été retrouvé dans la rivière – meurtri – ou l'on m'expliquerait que ma mère m'aimait qu'elle n'a pas choisi de partir mais que des gens lui ont fait du mal – des gens qui ne seraient jamais retrouvés et punis pour leurs fautes. Ce dénouement je l'avais déjà cauchemardé trop souvent me réveillant et priant pour qu'il n'arrive jamais – il était là aujourd'hui.




La batte en main, je tape dans la balle avec tout la rage qu'il me reste. J'ai envie de tout casser, j'ai envie d'oublier à quel point la vie peut faire mal. Je ne vois personne autour de moi – je n'entends pas les acclamations des quelques parents et autres supporter qui sont venus nous soutenir – non j'ai juste envie hurler. La balle de baseball part loin, je ne regard même pas la direction qu'elle prend je suis déjà entrain de courir machinalement. Mon corps se met en mouvement par automatisme et c'est si bon de sentir mes muscles bouger mes jambes s'étirer. Je cours encore et encore et quand je passe la dernière base mes mains se lèvent jointes alors qu'un cris animal sort de ma bouche. Gagné ! Nous avons gagné C'est bon et en même temps ça ne change rien à la colère elle est toujours là, elle gronde à l’intérieur de moi. Je rejoins mes coéquipiers qui sont euphoriques et me mêle à leur joie à demi teinte – Juste le temps de faire bonne figure avant de rejoindre les vestiaires.

Alors que je suis à mi-chemin Ethan me rattrape à petit foulée m’octroyant une grande tape dans le dos pour me féliciter. « Hey bah ! T'avais la rage de vaincre ce soir je t'avais jamais vu comme ça ! » Je lui adresse un demi sourire alors que je continue mon ascension vers les vestiaires. « Tu viens faire la fête avec nous j'espère ? On peut pas se passer de la présence de la star de l’équipe, qui nous a fait gagner le championnat. » « C'est pas moi qui vous ait fait gagné le championnat on l'a fait tous ensemble. » « Arrêtes, tu vas me faire chialer avec tes belles paroles ! Je prends ça pour un oui ? » « Ouais ça me changera les idées. » « C'est vrai, j'ai appris que la famille de Leah allait partir pour l’Europe. » Je regarde maintenant le sol, Ethan est mon meilleur pote et clairement la seule personne à qui je pourrais confier mes états d’âmes mais là j'ai plutôt envie d'être seul. Pourtant il ne lâche pas me suivant jusque dans les vestiaires. « Je sais que ça fait des années que vous vous aimez et que vous êtes le petit couple parfait mais tu sais, il y a plein d'autres filles qui n'attendent que ça. » Le regard que je lui jette est noir. J'aurais du m'attendre à ce qu'un coureur de jupon dans son genre ne comprenne pas. « Tu sais pourquoi sa famille part ? Mon cher père a rien trouvé de mieux à faire que de coucher avec sa mère. Je te laisse deviner que quand son père l'a appris, il a moyen apprécié et a décidé que le mieux c'était d'expatrier toute la famille en Europe pour les éloigner de je cite : "Ces salopards d'Hemingway" » « Oui ton père est un connard qui te pourri la vie je connais l'histoire. Mais passe à autre chose parce que  j'ai une bonne nouvelle pour toi. » Je relève les yeux intéressé par cette fameuse nouvelle. Tout ce qui est positif est à prendre aujourd'hui. « Greyson était là aujourd'hui et le coach vient de me dire qu'il voulait nous parler... A toi et moi. »

J'en laisse tomber ma mâchoire me retournant vers mon ami. « Tu rigoles. » Il hoche la tête avec un grand sourire alors que je sens un frisson me parcourir le corps. «  Greyson comme dans Marshall Greyson le recruteur des Dodgers ? » « Exactement mon grand. » Ethan semble tellement sur de lui que ça en est presque énervant. Je ne perçois pas une once de peur en lui alors que rien que l'idée que le Greyson m’ait regardé jouer me donne des sueurs.
« Mon champion » mon père rentre dans la pièce les bras grands ouvert pour venir me faire un câlin qu'il doit penser bien mériter. Je me laisse faire alors que mon meilleur ami me fait une grimace magnifique avant de s’éclipser. Merci pour le soutien Ces dernières années le baseball c'est avéré être la seule chose qui pouvait nous rapprocher mon père et moi. Les matchs, les entraînements et bien évidement les victoires – mon père c'est fait un devoir d'être mon plus grand fan toujours là lors des matchs comme si cette présence pouvait effacer le fait qu'il soit si mauvais pour être un père en dehors de ça.

Juste derrière lui la porte s'ouvre à nouveau et alors que je m'attends à voir Ethan repointer le bout de son nez c'est un homme en costard qui rentre un sourire accroché à son visage il se dirige vers nous et me tend une main vigoureuse. « Tanner Hemingway ? Je suis Marshall Greyson. » Puis il se tourne vers mon père échangeant une poignée de main avec lui aussi. « Monsieur Hemingway j'imagine ? » « C'est ça » « Votre fiston est un sacré joueur. J'avais entendu beaucoup de bien à son sujet et je ne suis pas déçu. » J'avale ma salive et tente de garder la tête haut comme mon père me dit toujours de le faire – comme si j'étais sûr de moi. J'ai bossé dur je le mérite il faut juste que je me le rentre dans le crane. « Il est encore jeune mais j'aimerais le suivre de près, je pense qu'il a un avenir très prometteur et sachez que j'ai plutôt l’œil en général. C'est un bonne élève ? » « Le meilleur de sa classe. » Mon père exagère un peu, même si je me débrouille plutôt bien je ne bats pas encore la petite surdouée de la classe. « Cette année je m'occupe des recrutements pour l'équipe universitaire de Los Angeles et nous aimerions beaucoup que Tanner en fasse parti. Ça nous permettrait de continuer à avoir un œil sur lui et pour lui c'est une bonne opportunité de continuer à progresser dans une ligue mineur. » J'ai de la peine à réaliser ce qui se passe. Mon père semble enthousiaste mais je ne pense pas qu'il réalise que mon rêve est entrain de se matérialiser sous mes yeux. Ou du moins le chemin pour y arriver et je ne compte pas laisser passer cette opportunité même si au fond de moi je ne peux m’empêcher de penser à Leah et au fait qu'elle ne sera plus là et tout ça à cause de mon père.




« Bon Hemingway j'ai été patient mais là ça commence à me taper sur le système. » Je fais semblant de ne pas l'avoir entendu alors que je jette mon équipement sale dans mon sac. « Ça va faire deux ans que ta sainte nitouche de petite amie a quitté l’Amérique faudrait voir pour passer à autre chose. » « Je suis passé à autre chose... J'ai juste pas envie de sortir ce soir alors fou moi la paix. » Je sais bien que je ne vais pas me débarrasser de lui aussi facilement et ça m’agace d’avance ce que j'essaye de lui faire remarquer en accélérant un peu plus la cadence pour sortir de la pièce avant qu'il ne m'harcèle. « Allez j'ai besoin d'un acolyte et Eddy est trop nul pour ça. » « Non » « Tu crois qu'elle se gêne elle ? Qu'elle pense encore à toi ? Elle doit au moins se taper tous les espagnols de son nouveau campus la Leah. » Sans réfléchir mon poing va se loger dans le visage de mon ami avec violence. Je ne regret même pas mon geste une fois celui là fait. Mon impulsivité me joue parfois des tours mais aujourd'hui je ne compte pas m'excuser et je quitte la pièce sans rajouter un mot.

Pourtant une fois la porte de ma chambre d'étudiant refermé et mon ordinateur allumé je ne peux m’empêcher de retourner ses paroles dans ma tête. Je sais bien qu'Ethan a raison, qu'il faudrait que j'arrête de m'apitoyer sur mon sort de penser que Leah va finir par revenir. Bien sûr qu'elle est passée à autre chose et c'est mon tour d'en faire autant. Après une bonne douche je me décide enfin...

Quand je pousse la porte du bar je remarque de suite mon ami au bar, il est accompagné d'une bande de pote que je connais vaguement, la plus part d'entre eux s’entraînent avec nous mais je ne les fréquente pas en dehors des entraînement contrairement à Ethan. Je m'approche de lui en  m'accoudant au bar. « Je te paye à boire ? » « Ça serait un bon début pour t'excuser de m'avoir pris pour ton punching-ball. » « Tu l'avais cherché. » Ethan secoue la tête en riant alors que je lui adresse un sourire commandant deux bières au barman qui n'a pas l'air très regardant au niveau de l'âge de ses clients. « J'en déduis que t'as changé d'avis ? » « Faut bien que quelqu'un te fasse un peu de compétition, je sais que tu adores ça. » « T'as aucune chance contre un beau goss comme moi, puis je suis entraîné contrairement à toi. » « Aucune chance vraiment ? On parie? »

« Réveille toi Hemingway, ils parlent de tes jolies fesses dans le journal » Je me retourne en marmonnant dans mon lit alors que le journal ricoche sur mon visage pour atterrir sur le sol. « C'est toujours aussi doux de se faire réveiller par toi Ethan » J'attrape le journal que mon coloc vient de lancer pour lire ce qu'ils racontent. Ça fait maintenant presque 2 ans que j'ai rejoins l'équipe des Dodgers mais les journaux ne sont pas lassés de raconter des bêtises à mon sujet. Si au début cette toute nouvelle célébrité m'a plutôt plus j'ai bien vite compris que l'équipe n'était pas prête à me laisser passer mes bitures nocturne.... Le mode jeune revanchard alcoolique ne collant pas à l'image que l'équipe voulait donner on m'a très clairement expliqué qu'il allait me falloir diminuer mon nombre de sortie avec Ethan. Et pourtant malgré tout les journaux trouve toujours quelque chose à redire. Et les quelques petites amies sérieuses que je réussis à me dégoter finissent vite par partir elles aussi. « Apparemment tu t'es fait un petit treesome hier ? T'aurais pu m'inviter quand même ? » Je regarde l'article les yeux grands ouvert. « C'est vraiment n'importe quoi je ne suis même pas sortie hier! » « C'est pas moi qu'il va falloir convaincre ! » « Je sens que pour la fête. de ce soir ça va être rappé Ethan... J'ai meilleur temps de me faire tout petit. L'équipe va pas trop apprécier cet article. » La tête de mon ami réapparaît dans l'encadrement de la porte. « Tu rigoles j'espère ? C'est l’anniversaire d'Eddy tu peux pas louper ça. On s'en fout de ses pet-secs de toute façon je vois pas ce qu'ils pourraient faire de pire que ça. »

Ethan a sans doute raison et c'est comme ça que le soir même je me retrouve accoudé au bar à regarder mon meilleur ami rouler goulûment un patin à un fille qu'il vient tout juste de rencontrer. Alors que je porte ma bière à la bouche avec un demi sourire un femme se rapproche un peu plus du bar pour finir par se poster à côté de moi de façon à pouvoir prendre sa commende. Alors que je vais retourner la tête en direction de la piste de danse son bracelet capte mon attention et un sourire amusé se dessin sur mon visage. « Un bracelet de supporter des Giants dans un bar de Los Angeles. Je vois que certaines n'ont peur de rien. » Son regard se plante dans le mien et je sens une sensation étrange m'envahir, une sorte de frisson – une certaine excitation. « Ce n'est pas quelques fanatique des Dodgers qui vont me faire peur... » « A oui ? Et qu'en est-il des joueurs ? » Cette fois son regard change et elle semble me reconnaître. « Hemingway ! Je t'imaginais plus grand que ça... Faut croire que la télé t'améliore » Je laisse un rire sortir de ma bouche. Cette fille n'a pas l'air d'avoir la langue dans sa poche et ça me plaît bien.  « Je peux vous offrir un verre ? » Elle détourne le regard comme si elle n'avait même pas entendu ma proposition et se penche un peu plus pour se faire remarquer par le barman. Il lui fait signe qu'il va arriver et à nouveau elle semble s’intéresser à moi. « J'ai entendu parler de tes petites frasques. Les plans à trois c'est pas mon truc désolé. » Je vois que ce que disent les journaux a un impact direct sur ma vie et je secoue la tête mi-amusé, mi-agacé. « Faut pas croire tout ce que disent ses torchons. » Cette fois son regard se fait plus espiègle et elle se retourne pour me faire face complètement. « Tu as raison. Je vais te laisser une chance. Je m'appelle Jade et c'est moi qui paye la premier verre. » Décidément j'aime beaucoup cette fille.




Je tape dans la balle encore et encore... La machine semble ne jamais s'arrêter et ça me va bien. Certains boivent, d'autres s'énervent moi j'ai juste besoin de faire du baseball pour oublier – pour m'oublier. Le temps d'un instant mon esprit se libère. Tout semble devenir plus clair. Pourtant une silhouette connue me sort vite de mes rêverie. « Ethan mais qu'est ce que t'as foutu ? » Plus il approche plus le visage ensanglanté de mon meilleur ami se dessine alors que je laisse tomber ma batte au sol. « Je croyais que c'était notre ami... Et lui couche avec ta petite copine en pensant qu'il n'y aura aucune représailles. Fallait qu'il paye. » J'aimerai lui faire la morale mais je n'y arrive pas. Au final je sais que je suis bien trop content que quelqu'un lui ait fait payer parce que j'en étais incapable. Parce que le fameux soir où je suis rentré plus tôt de l’entraînement pour retrouver Eddy et Jade dans le même lit j'ai juste fait un retour en arrière. Je suis sorti de la maison incapable d'assimiler ce que je venais de voir. Deux ans de relation qui partent en éclat en quelques secondes... Par la suite ça a été pire encore, la conversation que personne ne veut avoir, les excuses bidons puis l'énervement. Je suis resté trop calme comme incapable de réagir, incapable de dire à Jade qu'elle me dégoûtait et que je voulais plus jamais la voir alors qu'elle me lançait à la figure qu'elle n'avait jamais été fidèle. Que Eddy – que je croyais être mon ami – avait toujours traîné dans le coin pour venir s'occuper d'elle quand j'étais loin de la maison.

Rien que d'y penser j'ai la bile qui remonte, cette envie de vomir, le ventre qui se noue. Jade a fini par partir, deux semaines sans la voir... Deux semaines avec ses habits qui traînent encore dans notre appartement et l'idée en tête qu'elle va passer les chercher... Alors oui... Oui je suis incapable de ne pas être reconnaissant envers Ethan qui par amitié vient de casser la figure à Eddy. Je me sens comme un gamin qu'il faut protéger – comme un lâche – mais je m'en fiche... « Je crois que j'y ai été un peu fort Tanner. » Je croise le regard de mon ami et je peux y lire ce qui ressemble à de la peur et je n'aime pas ça. Parce qu'Ethan n'est pas du genre peureux c'est un gars plutôt sûr de lui qui semble toujours savoir exactement ce qu'il veut faire. « T'as fait quoi. » « Je me suis énervé... Quand il a rendu les coups c'est devenu pire j'ai tapé plus fort... Quand je suis parti il était dans un sale état. » Je garde le silence alors que je tente de  trouver une pharmacie de secours pour m’occuper de l'arcade de mon ami. Si je suis du genre impulsif Ethan a toujours été bien pire. Un foireux de base. Quand il est rentré dan les Dodgers il a d’ailleurs bien vite pris ma place dans les média... Côté soirées alcoolisées et conquêtes en masse il était évidement bien plus intéressant que moi, avec lui pas besoin d'inventer des histoires, la vérité suffisait à remplir le leurs articles. Mais malgré les années passées ensemble j'ai peu souvent vu Ethan dans cette état. S'il est arrivé plutôt fier de lui il semble petit à petit se décomposer.  « Je crois qu'il faut que j'y retourne Tanner... Je sais que c'est un connard et je regrette pas de lui avoir éclaté la troche mais... J'ai peur d'y avoir été trop fort. » « Restes là et soigne ça, je vais y aller. »

Il ne me restait plus qu'à prendre mon courage à deux mains pour aller faire face à celui que j'avais cru être mon ami.

Quand je suis arrivé chez lui il n'y a eu aucune confrontation. Eddy était au sol inconscient, je l'ai emmené de suite à l’hôpital. Effectivement Ethan n'y était pas allé de main morte. Eddy est resté plusieurs jours dans le coma, les médecins m'ont même informé que sans mon intervention il aurait pu y passer. J'avais sauvé la vie de celui qui avait participé à la destruction dans la mienne. Suite à cette bagarre Ethan a fait quelques mois de prison, de quoi foutre sa carrière en l'air. On ne rigole apparemment pas avec ce genre de violence. Quand je suis allé le voir la première fois au parloir il avait ce sourire d’imbécile collé au visage comme si tout ça n'avait pas d'important et nous nous sommes marrés tout les deux pendant 15 bonnes minutes sans pouvoir se reprendre. On devait avoir l'air de deux fous mais c'était neveux. Quand nous avons fini par nous reprendre il m'a glissé un phrase plus que mystérieuse. « Avant d'aller croupir en prison pendant quelques mois je voulais quand même te faire une surprise. Elle t'attend à la maison alors tu devrais rentrer. Et pas de cochonnerie dans ma chambre. » J'ai secoué la tête en riant. Ethan était mon meilleur ami ça avait toujours été le cas et ça allait le rester.
Quand je suis rentré chez moi une jeune femme attendait sur le pas de la porte. Je l'ai reconnu dès que mon regard a trouvé le sien. Leah... C'était ça ma fameuse surprise, Ethan avait retrouvé mon premier amour.




Je sens qu'elle s’agace, qu'elle s’énerve. Ses narines palpitent à un vitesse folle alors que je cherche mes mots. Elle regarde à gauche à droite partout sauf moi et ça à le don de m’agacer. Elle devrait voir, elle devrait sentir. On est supposé se marier, ça devrait être elle la personne qui me connaît le mieux mais rien.. Je l’agace, elle a déjà tout prévu et mon avis semble si peu compter d'un coup. Pourtant il compte. « Je peux pas le faire Leah. » Son regard change il se pose sur moi et d'un coup j'ai capté son attention. « Tu te fiches de moi j’espère ? On se marie dans quelques heures alors tes hésitations tu peux te les garder. J'ai tout prévu c'est pas pour revenir en arrière. » J'en reste sur les fesses. J'ai de la peine à croire ce qu'elle vient de me dire. « Tu comprends pas je crois... Je viendrai pas. Je ne peux pas me marier avec toi. » Cette fois je la sens un peu déstabilisée ce qui est plutôt étonnant pour une femme de son genre, toujours dans le contrôle.

Ça m'avait pourtant semblé être l’évidence quand Leah était revenue. C'était dans l'ordre de choses que nous nous retrouvions. C'est peut-être là qu'a été mon erreur. Les années étaient passées et tout les deux nous avions changé. Si j'avais pu faire semblant de ne pas le voir les quelques premiers mois il était devenu au fil du temps un peu plus évident que Leah n'était plus la jeune femme que j'avais aimé. Bien sûr il était plus simple de se voiler la face de prétendre que j'aimais cette nouvelle personnalité, parce que c'était ce qu'il fallait faire. Parce qu'après l’échec amoureux que je venais de vivre Leah était arrivée comme une bouée de sauvetage à laquelle je pouvais m'accrocher. Parce que quand elle avait parlé mariage je m'étais dit qu'elle devait avoir raison... Sans grande conviction mais parce que tout semblait plus simple avec elle, pas de passion ni de déchirement. Les seuls disputes qui éclataient entre nous concernaient la jalousie, c'en était devenu maladif au point que j'avais parfois l'impression d'avoir été brisé par cette tromperie. Je n'avais pas pardonné et je ne savais pas si j'étais capable de le faire.

Et sans que je l'on en parle plus que ça tout avait commencé à se mettre en place. Leah avait fixé une date envoyé tout les invitations. Elle avait elle même choisi sa bague que j'étais allé docilement lui acheter en prétendant que c'était aussi ce que je voulais. Docile c'était le mot, j'avais l'impression que ma vie suivait son court sans que j'en sois vraiment maître. La douce Leah que j'avais connu à l'époque avait fait place à une jeune femme autoritaire mais je pensais que c’était ce dont j'avais besoin. Elle pensait à ma place et moi je pansais mes blessures. Son attention était souvent porté sur ma carte de crédit et la façon dont notre couple pouvait paraître mais je m'en moquais pas mal, j'étais dans cette léthargie constante et si je n'étais pas vraiment heureux je ne pouvais pas prétendre être malheureux. Je voyais ce profiler une vie de famille qui avait de quoi me plaire, mais alors que je me complaisais dans tout ça mon regard a croisé celui de Meadow.

« Tanner, tu vas pas annuler le mariage maintenant, imagine la honte pour moi. C'est à cause de cette petite pimbêche d’organisatrice de mariage ? Quoi ? Tu crois que j'ai pas vu vos petits regards en coin ? C'est franchement pitoyable. Reprends-toi maintenant parce que on va le faire ce mariage. » Je pince les lèvres en entendant Leah parler de cette façon, il y aurait tellement de choses que je voudrais lui dire, mais je sais que le moment est mal choisi, que je suis entrain de gâcher tout l'avenir qu'elle projetait et que c'est faire assez de mal sans en rajouter. « Ça n'a rien à voir avec elle, le problème c'est nous. C'est ce mariage que t'as décidé sans moi c'est ce cirque pour avoir l'air d'un couple parfait, c'est cette complicité qu'on a plus.... On peut pas se marier dans ses conditions. »
Il y a une part de mensonge dans mes propos... Je sais bien que même si je n'ai pas vraiment envie de l'avouer la fameuse organisatrice de mariage n'est pas pour rien dans cette décision. Meadow a été le déclic, elle a été le coup d’adrénaline qui m'a réveillé de cette vie trop monotone. Des mots, des regards, à peine quelques gestes qui ont suffi à me faire remettre toute ma vie en question. Je me rappelle de mes mains qui se posent dans son dos comme une caresse volée, un moment d'intimité qui nous appartient et je me sens mal... Parce que c'est comme une tromperie, parce que si je ne l'ai jamais embrassé, si je n'ai jamais osé lui avouer ses sentiments – ils existent. Ils existent alors que je suis supposé marier une autre femme.

« Et c'est maintenant que tu t'en rends compte ? D'un coup à quelques heures du mariage. » J'ai presque envie de vomir tellement je me dégoûte à ce moment là. Bien sûr je le sais depuis un moment, j'ai juste refusé de le voir. J'ai pensé que j'étais capable de m'engager pour cette vie à deux, que je pouvais m'en satisfaire sans demander plus mais je m'étais trompé et l'idée de ne plus jamais revoir Mea avait fini par me pousser à dire stop. « Je suis tellement désolé. » Son regard est noir de colère et je suis incapable de le soutenir. Je reste fixer sur ses narines qui palpitent de plus en plus vite. « Tes excuses de merde tu peux les garder pour toi Tanner. Crois pas qu'on me quitte aussi facilement. Tu peux partir si tu veux mais c'est moi qui garde tout... » Je hoche la tête, elle peut tout garder je m'en fiche... Quand je relève les yeux Leah a déjà tourné les talons et je reste seul dans le salon ne sachant plus quoi faire... Je devrais appeler les invités sans doute, leur dire de ne pas venir mais j'en suis incapable. J'attrape mon téléphone et compose machinalement le numéro de Sienna.

« Allez Sienna, réponds, je sais que t'as ton portables sur toi... Réponds. » J'ai besoin de parler à quelqu'un et ce n'est pas pour rien si je me retourne vers la jeune femme. Si c'est la meilleure amie de Meadow elle est vite devenue la mienne. Au fil des jours, j'ai appris à la connaître et à l’apprécier un peu comme un sœur et là j'ai bien besoin de ses conseils. Mais personne ne décroche et je ne peux en vouloir qu'à moi même. J'ai laissé Meadow partir sans rien dire et emporter Sienna avec elle et je ne suis même pas sûr de les revoir un jours. Si ça se trouve elles sont déjà loin de la Californie et je me sens vide d'un coup.

Je finis par raccrocher le téléphone et me diriger vers la salon, au passage j'attrape un laisse alors que Oggy mon chien gambade à côté de moi. Je sais que Leah ne dira rien, elle a toujours détesté notre chien et c'est sans aucune autre affaire que je quitte cette maison que l'on aurait du partager en sachant très bien ou je vais me rendre maintenant.
Il me faut quelques minutes pour y arriver à pied. J'ai à peine sonné que la porte s'ouvre sur mon meilleur ami, apparemment entrain de se battre avec une cravate. Quand Ethan me voit il stoppe net. « Qu'est ce que tu fais là Hemingway ? » J'esquisse un sourire alors que mon chien va s'installer tranquillement dans le canapé. « Je crois que tu peux laisser tomber la cravate... Il n'y aura pas de mariage. » Mon ami ne semble même pas étonné. Il se contente de se débarrasser de la fameuse cravate en la jetant sur la table. « Tant mieux je déteste ces costumes de pingouin et j'avais toujours pas fini mon discours. J'aurai été obligé d'improviser. T'imagine les dégâts ?  » Je rigole légèrement avant de me racler un peu la gorge. « Hum... » « Ho c'est bon Hemingway fait pas ta fiote bien sûr que tu peux squatter à la maison. » Je rentre sans dire un mot de plus. Et nous échangeons un regard complice. « Bon j'imagine que maintenant je peux te le dire que je pouvais pas la sentir ta Leah ? » Comme s'il c'était gêné avant.