Ma vraie vie a commencé quand je suis entrée à l’université, plus précisément à UCLA. Avant ça, je ne vois pas ce que je peux avoir d’intéressant à dire. Mon père était cheminot, conducteur de train pour être exacte, quant à ma mère, elle était – et est toujours d’ailleurs - enseignante. J’ai une sœur cadette avec qui je ne suis pas vraiment proche, pas de frère, j’étais une enfant un peu turbulente et capricieuse. Et j’ai grandi à San Diego. Rien d’extraordinaire, d’autant que je n’étais pas une élève particulièrement brillante, mais pas nulle non plus. Je n’ai pas non plus fait de grosse crise d’adolescence, je me contentais de me battre comme une chiffonnière avec ma sœur. Et les filles, vous savez comme ça peut être garces entre elles. Par contre quand je suis arrivée à Los Angeles… Le premier jour du reste de ma vie ! J’avais 18 ans, une énergie débordante et une envie de faire la fête ! Dès le premier jour, j’ai mis les choses au clair avec ma colocataire : on allait profiter de nos années fac au maximum et ce n’était pas négociable. On serait de toutes les fêtes et de tous les grands évènements, on serait torchées les week end et on se tiendrait mutuellement les cheveux quand on vomirait ! J’ai eu de la chance de ne pas tomber sur une coincée. Bon alors attention, même si on était les plus grandes fêtardes de la résidence, j’allais quand même en cours, au prix que cela coûte ! Je m’étais inscrite en commerce, et à côté, je suivais une formation pour être sommelière. ça a toujours été mon rêve, à cause de mon oncle, qui possédait quelques vignes et qui faisait son propre vin. Ce fut chez lui, à l’occasion de son mariage que je me pris ma première cuite, à 7 ans et que je déclarai à qui voulait l’entendre que je serai sommelière. Mais je ne voulais pas me contenter de servir les riches dans un resto chic. Non, je voulais avoir ma cave, ma propre cave, mon affaire, alors je devais pouvoir gérer les comptes, même si les chiffres n’avaient jamais été mon truc.

Dès qu’on a eu notre diplôme après 3 ans d’études, ma coloc et moi, on a décidé de poursuivre l’aventure. On a trouvé un appart à Pasadena. Elle avait dégoté un job là bas, et moi, j’avais trouvé un local pour mon commerce. Autant dire que ça a été galère au début. Une vraie pompe à fric, ce qui ne m’empêchait pas de profiter de la vie. Alors en plus de mon commerce, je bossais en parallèle comme sommelière dans un restaurant de luxe. Par contre, c’est cool d’avoir une coloc, sauf quand elle se case. Parce qu’alors là, c’est un enfer. Elle et son copain passaient leur temps à copuler comme des lapins… mais des lapins super bruyants. En plus, elle n’est même pas allée le chercher bien loin… Sur le palier ! Le voisin d’en face ! Genre, comme Monica et Chandler de Friends, paye l’originalité ! Mais non, même s’il avait un appartement, il fallait qu’ils le fassent CHEZ NOUS. Et la bougresse, elle était très expressive au pieu. Trop parfois. Et il y a eu la fois de trop, dont je me souviendrai toute ma vie.

Déjà, j’avais un rencard. Je sortais avec ce mec… machin là… ouais bon, je sais plus comment il s’appelle mais bon, il devait passer chez moi, j’avais réservé l’appart depuis des jours en plus. J’avais sorti LE grand jeu. Oh pas le super repas aux chandelles, ça n’a jamais été mon truc et en plus je cuisine super mal. Non mais j’avais mis un ensemble en dentelles sexy à souhait. Je n’aurais pas été moi, soyons honnête, je serai devenue lesbienne rien que grâce à cette tenue. Je l’ai attendu dans ma chambre… des heures… il ne s’est jamais pointé l’enfoiré. Alors je suis restée dans ma piaule, avec un pot de glace à la fraise, à ruminer sur cette sale race que sont les mecs quand je les ai entendus rentrer… Et forniquer… punaise, elle ne respectait vraiment rien. Et ce soir plus que tous les autres, je n’étais pas d’humeur à écouter des gens s’envoyer en l’air comme des lapins alors qu’on m’en avait posé un. Il habitait en face ? Ok, qu’à cela ne tienne, je traversai le couloir pour aller toquer à la porte de l’appartement. M’en fous qu’il ne soit que 3h du mat ! Je savais que son copain avait lui aussi un coloc, et il n’y avait pas de raison qu’il n’y ait que moi qui soit emmerdée par cette histoire. Alors je sonnai. Une fois… deux fois… jusqu’à ce qu’on m’ouvre. Et qui m’ouvrit…. Un grand mec, qui aurait pu être super mignon s’il n’avait pas eu l’air idiot à me dévisager comme ça, sa manette dans les mains. Et merde, c’était bien ma veine… un geek. Et pourquoi il me regardait comme ça ? Il n’avait jamais vu une fille en sous-vêtements ?

«  Ton coloc est en train de se taper ma coloc’, je demande asile. »

Bref, c’est comme ça que j’ai rencontré Kellian et qu’on ne s’est plus jamais quitté. Comme nos coloc’ respectifs se sont engagés dans une relation qui s’est avérée être sérieuse, on a multiplié les sorties en commun, on s’est pris plusieurs cuites… et vu qu’ils ont fini par emménager ensemble, bah… Kellian et moi on en a fait de même parce que bon, les appart’ c’était pas donné, surtout que mon commerce peinait à décoller. Et je vous vois venir… non, il ne s’est jamais rien passé entre Kellian et moi. Au fil du temps il est devenu mon meilleur ami, mon confident, plus important et plus stable que tous mes autres mecs. On sortait en boite, on s’est vu vomir, dans des états pathétiques… on s’est soutenus dans les coups durs, on passe nos dimanches vautrés ensemble dans le canapé… ça c’est notre vie. Pizza, bière, film, sans jamais aucune ambiguité. Et pourtant, ce geek est en réalité un putain de canon, j’l’ai vu une ou deux fois sortir de la douche et OMG ! Mais bon, le voir avec ses conquêtes toutes super belles, ça calme les ardeurs. Ou le voir s’exciter sur sa console aussi.

Bref, on a vécu à deux depuis tout ce temps, même quand nous avions des gens dans nos vies respectives. On était très organisés il fallait dire, avec plein de codes pour savoir si on était seul ou pas, si on pouvait entrer dans la chambre ou non (parce que sinon, on allait et venait dans la chambre l’un de l’autre sans gêne, il nous était même arrivé de dormir ensemble, notamment quand le seul garçon qui ait compté pour moi m’avait larguée), parfois, on arrivait même à faire comprendre à l’autre quand il devait venir nous sauver. Aujourd’hui encore, il est ma moitié. Il a toujours été là pour moi : quand je me faisais larguer, quand ma cave a connu son succès voilà un an et que je suis devenue une sommelière réputée dans le coin (d’ailleurs, je fournis les plus grands restos), il fait même un effort avec mes parents. Il est mon pote, on se marre bien, on vit notre vie comme on l’entend. Même si j’aime pas ses copines, et que ça me gonfle quand je le vois rouler des patins à certaines d’entre elle, j’ai envie qu’il soit heureux. Parce que je suis déjà allée en coller une à une meuf qui l’avait fait souffrir et je serai prête à recommencer.

Voilà, ça c’est ma vie. elle n’a rien d’extraordinaire, mais je l’aime. Je suis heureuse, je mène mon petit bonhomme de chemin, je rencontre des gens hyper sympas. J’ai trouvé mon équilibre. Beaucoup le critiqueront, mais j’en ai rien à foutre, c’est ma vie.