Et alors, qu'ils te diront ? Et alors, qu'ils murmureront ? Qu'est ce que ça t'a apporté ? Est ce que tu t'es sentie plus belle ou plus forte que les autres ? J'en doute. Parce que t'es n'importe qui. Parce qu'au milieu des ombres, t'es a peine mieux qu'un soupir. Debout au milieu de la foule, ta tête s'incline avec l'allure maladroite d'une enfant perdue. Ils se bousculent. Ils te bousculent, et du coin du regard, t'observes leurs vas et viens, les mouvements saccadés de leurs corps abîmés. La vie t'épuise. Doucement, lentement aussi, la vie brûle ta peau. Elle te consume l'égoïste. Elle vole ton temps. Sans y faire attention, tu te mets en route, tu marches et cherches le chemin qui te permettrait de t'éloigner des gens.
Quitter le monde.
Combien de fois t'y as pensé ? Combien de fois tu t'es posé la question ? La déception dans le regard des gens, les voix éteinte de ces êtres chères. Pour eux, tu aurais pu apprendre a devenir femme, a devenir grande. Etre autre chose que cette animal capricieux, que cette ombre volage qui s'obstine a croire qu'on l'entendra hurler. Ne cris pas Olga. Les gens n'ont plus rien a entendre. Les gens n'ont plus envie d'écouter. Te voilà hésitante, en quête d'un chemin, d'une peau adaptée a ta tête. Alors tu deviendras grande, finalement, tu viendras femme et le temps s'en ira. Sur le bitume, tu trébuches, victime de ce corps remplit de maladresse, de cette tête qui ne cesse de se poser des questions. Une main s'empare de ton poignet, il te sourit. Tu sais que tu tombes amoureuse de lui. Il te dit que ton regard, il aime pas sa tristesse, qu'il voudrait le couvrir de couleurs, l'ensevelir sous un million de fleurs. A lui le héro, à lui l'inconnu. Tu murmures des banalités. T'as jamais su dire des jolis choses.
Vous alliez où ?
Sa voix est une caresse. Un echo.
Nul part. Tu vas nul part.
Alors il devient grand, alors les gens disparaissent. Lui l'écrivain, le conteur de merveille, le voilà qui te dessine héroïne d'un roman d'aventure, d'une histoire fabuleuse. Il te montre la route, te demande si tu as peur ? Il est là inconnu, pourtant pour la première fois de ta vie, tu n'as pas peur. Toi, celle qui pleurait pour un genou écorchés. L'enfant faible, la princesse abîmée.
Et alors, qu'ils te diront ? Et alors, qu'ils murmureront ? Qu'est ce que ça t'a apporté ? Est ce que tu t'es sentie plus belle ou plus forte que les autres ? Ce jour là tu pourras leurs répondre que oui. Au milieu du monde entier, t'étais certainement la personne la plus belle du monde, parce que non, tu n'avais pas peur. T'étais qu'une enfant Olga. Une enfant perdue, une enfant rêveuse. Un oiseau plein de couleur. Et pour la première fois tu tombais amoureuse. Ce jour d'une incroyable maladresse où tu as quitté ta vie, cette ville aussi. Changer de monde, prendre la route. Vivre, enfin. Toi, l'oiseau, au bras de ce drôle de prince charmant.
Pasadena.
Puis le temps a voulu que tu grandisses, que tu tombes encore amoureuse des milliers de fois, de tous ces visages qu'on aurait pu peindre sur les toiles. Des traits tirés et fatigués, des âmes échouées. Toi, la douce poésie, cette âme vagabonde qui attire auprès d'elle les plus torturés. Les tristes. Parce que tu rayonnes par ta splendeur Olga, tu rayonnes de bonté, incapable de te débrouiller seule, incapable de vivre autrement qu'entourée, au milieu d'eux, des gens. J'aime ton sourire Olga, j'aime les caresses que tu portes à la vie. J'aime ce regard d'une drole de douceur, cette vision du monde un peu naïve, surement fragile. Toi, celle qu'on observe au milieu des fleurs. Celle qui rit fort. Celle qui aime fort.