Charles Oliver Watson est né un certain trois décembre de l'union de Jane et Harry Watson à Los Angeles où il a vécu toute son enfance... Dans la maison de ses grands parents. Son père, étant l'un des meilleurs chirurgiens cardiologues de la ville et sa mère l'une des plus grandes avocates de la ville bonjour la grandiloquence n'avaient pas vraiment le temps de s'occuper de leurs enfants. Ce qui ne veut pas dire que Charles et sa cadette ont vécu sans figure parentale proprement dite. Non, Maman et Papa étaient présents au possible et si ce n'était pas pour l'histoire du soir c'était au moins pour les déjeuners le dimanche.

        « Charles ! Thea ! Arrêtez de jouer, vos parents viennent d'arriver ! » J'ai échangé un regard avec ma sœur et c'est dans un accord silencieux qu'on a lâché nos dominos pour faire la course jusqu'à la maison. Ça faisait deux semaines qu'on ne les avait pas vu : ils étaient partis en vacances à Paris. Sans nous, oui. Mais on était encore en période scolaire alors on n'a pas eu le choix quand à rester ici ou partir avec eux, et on s'est consolé en se disant qu'on allait avoir des tas de cadeaux. Et c'est d'ailleurs avec cette idée en tête qu'on s'est jeté dans les bras de notre mère. « Mamaaaan ! Tu nous as ramené des choses ? » S'est exclamée Thea. Moi, je me suis contenté de sourire et d'attendre la réponse de Maman, plein d'espoir. Les adultes présents dans le salon ont ri et c'est finalement Papa qui nous a confirmé qu'ils nous avaient effectivement acheté un souvenir. « Mais les souvenirs ce sera pour plus tard, c'est l'heure de manger ! » A dit mon grand-père, impatient. « Ah non ! » J'ai répondu. Non, moi je voulais mon cadeau ! « Charlie, on ouvrira vos cadeaux après manger d'accord ? » J'ai soupiré, incapable de contredire ma maman. « D'accord, mais avant je vous montre mes dessins ! » Non pas que j'avais beaucoup dessiné pendant leur absence, mais pour les quelques dessins que j'avais fait j'en étais plutôt fier alors il fallait absolument qu'ils les voient et me donnent leurs avis ! « Charlie... Tu vas avoir onze ans, il faut que tu grandisses un peu, tu ne gagneras pas ta vie en faisant des dessins. » a fait mon père, plus ennuyé que méchant... Mais je l'ai quand même mal pris. Bah ouais, mais justement je vais avoir que onze ans, c'est pas aujourd'hui que mon avenir se joue et qu'il faut que je décide si je veux devenir chirurgien comme Papa ou avocat comme Maman. Alors j'ai croisé les bras, fait un demi-tour majestueux et je suis parti m'enfermer dans ma chambre, parce que bouder était mon arme de défense préférée.

        Parce que oui, dès son plus jeune âge Charles a été soumis à ce fameux dilemme : quelle profession remarquable et la voix de lequel parent allait-il choisir, laissant l'autre choix de carrière pour sa petite sœur ? Et Charles, lui, rien de tout cela ne l'intéresse. Plus petit parce qu'il était justement trop petit, et plus grand parce qu'il trouvait ça ennuyeux, qu'il aimerait avoir ses parents plus souvent à côté de lui et pas seulement lors des vacances et que la seule chose qu'il aimait faire c'était dessiner. Ah, et aller sur l'ordinateur aussi, passion qu'il se découvre lorsqu'on lui offre son propre ordinateur le Noël de ses treize ans. Au grand désespoir de son père, il ne se découvre aucune autre passion ou talent caché, est vraiment une plaie à tous les sports auquel on veut l'initier et surtout il ne développe aucun intérêt pour la chirurgie. En grandissant, le garçon devient bien évidemment moins influençable, essayer de plaire à ses parents cela ne l'amuse plus tellement. Le lycée n'est pas synonyme de bonheur non plus. Il a peu d'amis, passe son temps à dessiner dans les cours qui ne le passionnent pas, récolte donc des mauvaises notes... Et se faire convoquer chez le proviseur est presque une routine pour lui.

         « Ah, les Watson ! Entrez, entrez. J'aurais espéré ne plus avoir à vous rencontrer de nouveau, mais il faut croire que mes espoirs étaient infondés, n'est-ce pas Charles ? » Le temps que je comprenne qu'on s'adresse à moi je suis déjà assis sur une chaise, à attendre que mon père et le proviseur en fassent autant. Je relève la tête vers la figure d'autorité du lycée et esquisse un sourire. Voilà, comme ça on me croit rebelle jusqu'au bout. Finalement, les deux adultes ont pris place et se sont mis à discuter. De mes notes, de mon comportement en cours, de mes capacités que je néglige en passant mon temps à dessiner et blablabla. « C'est à cause de cette fille, Anna. Il la voit de plus en plus ces derniers temps... C'est à peine s'il rentre le soir pour manger ! » Ah, mon père a donc une nouvelle théorie pour justifier mon échec scolaire. C'est de la faute de ma petite-amie, évidemment. Je lève les yeux au ciel, ennuyé, et puis mon regard rencontre celui de Monsieur Atkins qui a l'air terriblement amusé. « Charles ? » Il demande confirmation peut-être ? « Oh aller, ne soyez pas débile et macho avec le stéréotype de la femme qui détourne l'homme de son but premier, vous savez que ce sont des conneries. Je ne travaille pas parce que je n'ai pas envie de travailler. Si je meurs brusquement demain j'aurai vécu une vie de merde à perdre du temps à apprendre des choses qui ne me serviront pas et qui en plus sont ennuyantes !
- Vous excellez pourtant en histoire !
- Et bah très bien, je serai prof d'histoire.
- Non. Non non, tu ne seras pas prof. Tu vas te mettre au travail Charles, et-
- PAPA ARRÊTE. Je ne veux pas être chirurgien, ou avocat ou un autre métier prétentieux dans le genre. Je veux peindre ! Et vivre de ça. Et je suis sûr que je pourrais y arriver mais tu es trop aveugle pour essayer de comprendre.
- Charles, si tu ne te mets pas au travail je te jure que je ne te paierais pas l'université ! » Je pousse un soupir. Plus borné que mon père, tu meurs. J'ai attrapé mon sac posé par terre, me suis levé pour pouvoir être dans une position supérieure à mon père  et aussi pour pouvoir sortir d'ici rapidement après avant de prendre la parole. « Tu sais quoi ? Je crois que tu me rendrais un immense service en faisant ça. Non, sérieusement. Ne m'oblige pas à aller à la fac et laisse moi vivre ma vie comme je l'entends, au risque de me planter grave. » Cette solution devrait lui faire plaisir : il ne dépense pas d'argent et a l'occasion de jubiler devant mon non achèvement de mes objectifs. Je le regarde froncer les sourcils, visiblement énervé mais il reste silencieux alors je pousse un soupir, fais un vague signe de tête en direction du proviseur avant de quitter la pièce.

        Finalement, ces menaces de non scolarisation n'ont pas eu lieu puisque Charles a réussi à obtenir son diplôme de justesse, de quoi s'inscrire à l'université pour poursuivre des études d'histoire pour en devenir professeur. Il vit sur le campus et enfin, oui enfin il est libre de faire ce qu'il lui plaît. Enfin, libre, au possible. Du moins, il n'est plus sous l'emprise de son père qui a abandonné l'idée que son fils devienne comme lui et a reporté ses espoirs sur Thea. Le garçon, devenant un homme, est bien décidé à être un artiste comme il l'a toujours voulu. Il cherche à faire exposer ses toiles et s'il rame beaucoup il ne manque jamais de persévérance et ne baisse jamais les bras, au point que ça marche. Cela fait un an qu'il enseigne l'histoire dans un collège de Los Angeles et pourtant, il se sait prêt à tout plaquer pour exister par lui-même.

         « Bon, Thea et moi on apporte le dessert et Charlie nous annonce sa nouvelle après, ok ? » J'acquiesce avec un sourire aux paroles de ma mère. Thea est déjà au courant et frétille d'impatience depuis le début du repas. Je dois donc attendre encore une minute que le gâteau au chocolat fait maison soit posé sur la table et que ma grand-mère ait fini de le couper pour qu'on puisse ensuite se servir pour qu'on me donne la parole. « Ok, alors euh...
- Mets toi debout mon garçon !
- Oui. Alors voilà, il y a deux mois mes toiles ont été exposé à la galerie d'art et... Elles se sont toutes vendues ! »  Ma sœur est la première à réagir en poussant un cri de joie et en applaudissant. Je la remercie intérieurement, car sans elle les autre ne m'auraient pas félicité avec plus ou moins d'entrain. Bref, j'ai continué : « Mais ce n'est pas tout ! Comme l'ensemble a plutôt bien fonctionné, Monsieur Freeman veut que je devienne l'un des artistes permanents ce qui veut dire que-
- QUE CHARLIE VA ÊTRE CELEBRE !
- Oui, enfin non Thea. Ça veut dire que je ne suis plus obligé d'enseigner pour vivre. D'ailleurs j'ai déposé ma démission hier et j'ai un service à vous demander. »

        Ce service ? Juste lui laisser la maison où ils passaient les vacances d'été pour qu'il y vive. Et c'est comme ça qu'il est arrivé à Pasadena. Bien sûr, ses parents – son père surtout – n'ont pas accepté de suite mais il a suffit d'un argumentaire brillant de sa grand-mère pour les convaincre. Cela va faire deux ans qu'il y a emménagé, et il s'y sent bien. Non vraiment, il n'a jamais été plus heureux. Il vit de ses toiles, est libre de faire ce qu'il lui plaît et il a la vie dont il a toujours rêvé. Ah, et une jolie et grande maison aussi. Et si on pourrait croire au mythe de l'artiste solitaire et esseulé, on y est pas du tout car il y a elle dans sa vie.

         « Je peux savoir ce que vous faites ? » Je relève la tête de mon carnet de croquis ou je gribouillais des cheveux pour voir apparaître en face de moi justement la personne que je dessinais. Sauf que dernièrement, elle était à quinze mètres et en pleine conversation téléphonique. J'affiche un sourire poli face à son air énervé. Elle est encore plus jolie de prêt, c'est fou. « Je vous dessine.
- Pourquoi, vous êtes un psychopathe ?
- Non, je suis peintre.
- Bah voyons, et puis moi je suis danseuse étoile et c'est pas pour ça que je vous saute dessus. » Je me suis mis à rire, certainement parce que je dois avoir un esprit pervers. Elle fronce les sourcils en souriant avant de reprendre. « Okay, c'était un très mauvais exemple pardon. Non, mais sérieusement pourquoi vous faîtes ça ?
- Parce que vous m'inspirez.
- Non mais vous allez pas utiliser ce dessin pour me retrouver après ou un truc du genre ?
- Je vous le donne, si vous voulez ?
- Mmh je sais pas. Si c'est moche vous le gardez ! » Elle répond en riant avant de s'asseoir à côté  de moi pour pouvoir se pencher et regarder son portrait. Je la regarde faire, amusé, observant ses moindres faits et gestes. « C'est en fait... Très ressemblant. Je crois. Enfin je veux dire je ne me regarde pas dans un miroir tout le temps donc je ne sais pas mais... C'est brillant.
- Brillant ?
- Ouais, je trouve ça brillant. Vous dessinez vraiment bien.
- Merci. Alors vous le voulez ?
- Je veux bien. Si ça ne vous dérange pas. » Je lui ai assuré que non avant de signer le dessin et d'arracher la page pour la lui donner. « Vous êtes célèbre ? » Qu'elle demande. Je ris légèrement avant de répondre. « Je ne dirais pas ça !
- Dommage, je viens de me faire virer et je vais avoir besoin d'argent. »

        Pour une raison ou pour une autre, son côté fleur bleue peut-être, Charles n'a pas vraiment réfléchit et a proposé à cette belle inconnue de travailler pour lui. Il n'a techniquement pas besoin qu'on travaille pour lui, hein, mais... C'est venu soudainement. Elle n'a pas accepté de suite, évidemment. Juste une semaine après, car elle avait vraiment besoin de gagner de l'argent rapidement et que le boulot n'en était pas vraiment un, mais qu'il lui avait promis de ne pas la lâcher le temps qu'elle trouve une autre solution si elle le voulait. Elle n'a pas voulu. Et puis elle est devenue elle, une personne vraiment importante pour lui. Une amie, parfois plus sans que ce soit déclarée en une relation sérieuse ou quoi que ce soit. Et surtout sa muse, celle qui l'inspire en tout temps. Non, vraiment, en tout temps. Il ne s'imagine aujourd'hui plus vivre sans elle, elle et sa bonne humeur, elle et sa beauté, elle tout court. Et vraiment, il ne pourrait pas être plus heureux qu'aujourd'hui. Peut-être que ça durera, peut-être que ça ne durera pas, seul l'avenir nous le dira.