« Ramène tes putains de fesses on sort ! »

Ça, c’était moi dans toute ma splendeur quelques heures plus tôt. Sérieusement, on était vendredi soir, on était jeunes et beaux, et on avait eu lui comme moi une semaine super longue et super chiante et franchement, je n’avais pas envie de rester avachie dans le canapé. Ça c’était notre rituel du dimanche, mais pas du vendredi soir. Je voulais danser ! Danser jusqu’à ne plus pouvoir marcher, au point que Kellian doive me porter sur son dos pour me ramener à la maison. J’avais enfilé un pantalon de cuir super moulant qui me faisait un cul – j’vous raconte même pas - , avec des talons qui m’allongeaient les jambes comme si j’étais un mannequin, sans compter mon petit haut sexy qui mettait mes formes parfaitement en valeur. Oui, parce que si au passage je pouvais avoir une touche, je serais preneuse.

Ça c’était ce que je pensais avant… Parce que là, je venais surtout de claquer mon verre de vodka vide méchamment sur le comptoir. Mais il faut peut-être que je vous explique ce qui s’est passé. Tout avait bien commencé : Kellian avait cédé (genre il allait refuser !) et m’avait accompagnée dans notre boite préférée et franchement, l’ambiance était juste au top. Bonne musique, danseurs de ouf, alcool !!! Bref, j’avais commencé par mon Sex on the beach habituel (croyez-moi, ça fait toujours son petit effet quand vous le commandez en regardant le barman droit dans les yeux et en vous penchant le plus innocemment du monde sur le comptoir) et évidemment je m’étais vite élancée sur la piste de danse. Et en boite comme dans la vie, Kellian et moi n’étions pas exclusifs, alors oui, on dansait ensemble, amis on savait aussi s’ouvrir aux autres. Si pour ma part j’avais repéré un brun au regard d’un bleu électrique et bougeant comme un dieu lui semblait avoir ferré une proie également. Par contre, il y avait une chose de sacré entre nous, c’était pitbull. Enfin entre autres. Mais dès les premières notes de Timber, j’ai cherché le regard de Kellian… Et là, c’était une communion. Timber… Kesha n’avait rien inventé, elle m’avait juste vu danser un jour et elle a été trop jalouse. Bref, je dansais avec Kellian, faisant frôler nos corps sans pudeur, laissant nos mains se balader, avant de grimper sur un podium pour hurler : “TIMBEEEEEEEEEEER” en m’avalant un shot de je ne sais pas trop quoi.

Et les danses ont repris, toujours aussi collés-serrés. J’avais un peu bu… enfin, j’étais dans la phase un peu pompette, hurlant ici et là des « J’suis pas bourrééééééééééééée » (premier stade du « Alexis minable ») et je zieutais d’un œil suspicieux la conquête de Kellian… une blondasse. Putain, mais ils pourraient se décoller, ils devaient pus pouvoir respirer ! Et puis merde, moi aussi je savais le faire ! Alors j’embrassais Martin… Marvin… trucmuche quoi ! Jusqu’à ce que…

« Give me everything toniiiiiiiiiiiiiiight ! »

Ni une ni deux, je poussai trucmuche pour chercher Kellian. Parce qu’en plus, on avait THE chorégraphie sur cette chanson… Mais… mais… J’ouvris une bouche et des yeux tout ronds. L’enflure ! Il… dansait avec sa blondasse décolorée, qui ressemblait à une pute ! Sur NOTRE chanson ? L’enflure !

Et c’est là que j’ai pris le verre de vodka que j’ai claqué sur le comptoir. J’me souviens pas vraiment de la suite, sauf que j’leur ai pas décoché le moindre mot quand on est rentré à l’appart tous les trois (oui, parce que j’ai tenu la chandelle aussi, TROP GENIAL). Je m’étais enfermée dans ma chambre en bougonnant et franchement… franchement, MAIS BAISEZ EN SILENCE ! C’était une gueularde en plus ! Alors après avoir essayé de me boucher les oreilles en enfonçant l’oreiller sur ma tête, je me mis à tambouriner à leur porte, rageuse. Pétasse. Enflure. Sur Give me everything tonight… eh bien vu comme elle braillait, il lui donnait tout en effet.

Je me réveillai au matin avec une gueule de bois pas possible et la tâte au bord de l’explosion. Je fis un détour par la salle de bain, prendre une aspirine, et je m’assis à la table de la cuisine, devant un bol de thé, et me massai les tempes.

« Y a pas de café ? »

Je levai les yeux. Blondie. Aux racines décolorées en plus. Même pas classe. Et elle était encore plus vulgaire à la lumière du jour. Souris Alexis, souris.

« La cafetière est là… »

Elle ne pensait tout de même pas que j’allais lui faire quand même ? Putain mais… pourquoi elle s’assit en face de moi c’te grognasse ?

« On t’a pas dérangé cette nuit ? Dis… Kellian et toi… il n’y a rien hein ? »

J’aurais eu une tartine beurrée, elle se la serait pris dans la tronche et je lui aurais ravalé sa façade. Non… tu ne m’as pas dérangée… T’as juste gueulé comme une truie qu’on égorge, t’as dansé sur MA chanson… Et non, de toute évidence il n’y avait rien entre Kellian et moi.

« Non rassure toi, tout va bien… »

Et je souriais, comme une greluche, alors que je pensais « dégage, pétasse ! » Mais déjà la marmotte Kellian semblait se réveiller. J’attrapai ma tasse pour me relever et leur tourner le dos à ces deux fornicateurs, pour boire mon thé au-dessus de l’évier. Il suffisait d’un rien pour que je n’explose, et je le savais…

J’avais pas envie de lui parler. Non. J’n’avais même pas envie de le voir. Il m’avait saoulée hier soir, avec sa pétasse, alors qu’il m’avait en plus empêchée de dormir. Je voulais juste avaler mon thé et me barrer et ne plus les voir ces deux-là. Bon… elle se décidait à prendre son café et à dégager la grognasse ? Ah… elle avait les avant-bras bien poilus dis donc. Ah non, merde, c’était Kellian qui venait d’approcher.  Parce qu’en plus, il allait lui faire le café ? Il allait vraiment lui faire le café ?? Rageuse, je ravalais une gorgée de thé, toujours sans lui décocher un regard. Est-ce qu’il me demandait vraiment comment ça allait ? T’as dansé avec une blondasse décoloré sur NOTRE chanson en me laissant toute seule comme une pauvre merde ! P’tain. Ça m’énervait. Et le fait que ça m’énerve m’énervait encore plus.

« Tout va très bien. Occupe-toi de ta blondasse.»

Toujours pas de regard, juste quelques mots murmurés sèchement. Je me détournai de lui pour quitter notre cuisine. J’voulais juste aller bouder dans ma chambre, tranquillement. Mais en passant près de mademoiselle « j’hurle comme une truie qu’on égorge », je sentis qu’elle m’attrapa le poignet. Non mais d’où elle osait me toucher c’te pétasse ?

« Excuse-moi, tu n’aurais pas un tee shirt à me prêter ? Le mien a eu un petit accident hier soir et comme on fait la même taille… »

QUOI ? Plait-il ? Que je lui prête mes vêtements parce que monsieur n’avais pas pu contrôler ses pulsions ? Qu’un de mes maillots recouvre ses gros seins siliconés ? Mais quelle… quelle… Et c’était quoi ce regard-là ? Elle croyait que j’allais lui céder comme monsieur j’ai la queue qui pense pour moi ? Ben non, désolée, mais je ne fonctionnais pas comme ça ! Là, ce fut trop. J’pouvais être polie, souriante, gentille, mais fallait pas marcher sur mes plates-bandes. Toutes les filles qui avaient un tant soit peu partagé la vie de Kellian l’avaient compris et avait tout de suite su qu’il y avait des choses à respecter, un espace qui n’appartenait qu’à nous et qu’il y aurait toujours, entre elles et moi, une barrière, que je serai jamais leur copine mais que je ne m’interposerai pas si elles comprenaient. Mais non, il avait ramené une décérébrée.

« Tu veux pas une de mes culottes non plus ? C’est pas avec moi que t’as baisé, demande ça à celui qui a une queue ici. Oh et si vous voulez, j’vous mets une petite musique. Pourquoi pas « Give me everything tonight », comme ça je ne vous entendrais pas.  Y a visiblement quelqu’un de trop ici. »

Oui, parce que ce soir, pour la première fois depuis 4 ans, j’étais passée au second plan. Il m’avait remplacée. Notre cohabitation fonctionnait parce qu’in avait toujours été là l’un pour l’autre, tout en nous laissant un sacré espace de liberté. Mais il y avait des choses sacrées, comme des règles. Et si on les transgressait, ça ne pouvait pas fonctionner. Je savais que je réagissais de façon débile et disproportionnée et franchement, je ne savais pas pourquoi ça me faisait aussi mal qu’il ne m’ait pas calculée pendant notre chanson, qu’il danse avec une autre blonde. Je fis demi-tour, pour aller claquer la porte de ma chambre. Je ne voulais plus voir leurs têtes de cons. Je posai ma tasse sur ma table de chevet et m’allongeai sur mon lit, en boule, avant de me recouvrir de ma couverture.

Je l’avais vu plus d’une fois rentrer avec des filles. J’avais même déjeuné avec plusieurs d’entre elles. Mais je sais pas. Quelque part, on se retrouvait toujours tous les deux. On passait avant les autres. Toujours. Mais pas cette fois. Si ça tombe, il n’aurait même pas remarqué si je n’étais pas rentrée avec eux. Je l’avais vu amoureux, une fois. Je savais que ça pourrait arriver de nouveau et en un sens je le voulais, pour qu’il soit heureux. Mais ça me faisait peur. Quatre ans qu’on vivait ensemble, qu’on avait nos habitudes rien qu’à nous. Et là, il commençait à s’en défaire et ça me saoulait.