« Papa ! Je veux jouer de la guitare ! » Une simple remarque innocente d’un petit garçon déterminé, croisant ses petits bras contre sa poitrine et fixant son père comme si c’était lui qui avait l’autorité de la famille. Une petite remarque qui changerait bientôt tout. Le père regarda son fils, surpris par cette demande de la part d’un gosse de quatre ans à peine. « Et depuis quand tu as cette envie exactement ? » Il ne le prenait pas au sérieux évidemment. Lui, il pensait que c’était encore une de ces lubies que les enfants ont parfois, et qui ne restent jamais bien longtemps en tête. Il n’avait pas conscience de l’importance que ça aurait à l’avenir. Le garçonnet fronça les sourcils, mécontent que son père se moque ainsi de lui. « A l’école, le maître a joué de la guitare. Je voudrais faire comme lui. » C’était partie d’une simple admiration pour son instituteur. Chaque chose qu’il le voyait faire, il tentait de faire pareil. Pourquoi ? Bonne question, personne n’a jamais su répondre. La guitare, c’était comme une évidence. Il devait essayer lui aussi. Finalement, le père haussa les épaules en soupirant. « Si tu veux… » Il n’était pas vraiment du genre à favoriser les arts. Lui, c’était un homme très terre-à-terre, du genre de ceux qui ne s’intéressent pas à l’art, qui disent que musicien, ou peintre, ou écrivain, ce ne sont pas des métiers. Lui, il était chercheur en laboratoire. Un scientifique pur et dur qui rit aux éclats quand on lui parle d’être surnaturel. L’opposé de James, à vrai dire. Sa mère, c’était la même chose. Elle aussi, elle rejetait tous ces saltimbanques comme elle les appelait négligemment, comme s’ils n’étaient rien d’autres que des bêtes de foires. La différence, c’était qu’elle avait autrefois rêvée de devenir danseuse étoile, avant qu’un accident ne l’empêche de poursuivre son objectif. Depuis, elle rejetait tout ce qui touchait à cet art. Une vie gâchée bêtement par le hasard d’une poutre peu solide placée au-dessus d’elle. James n’avait jamais compris pourquoi elle s’était ainsi braquée après ça. Il avait été le seul de sa famille à insister réellement pour pouvoir jouer d’un instrument. Sa sœur, Alaska, elle avait bien d’autres choses à penser. Des affaires de grands. Un cancer, le genre de chose qui touche sans raison une petite fille de treize ans. Bien qu’ils n’aient qu’une année d’écart, ils ne se sont jamais vraiment entendus, allez savoir pourquoi. Ils n’étaient tout simplement pas pareils. Bien sûr, James aimait sa sœur, mais il était rare qu’ils se parlent réellement et jouent ensemble. Quant à son petit frère, Julian, il préférait s’imaginer footballeur professionnel que musicien. Julian, il avait deux ans de moins que James, et pourtant c’était avec lui qu’il s’entendait le plus. Ils passaient énormément de temps ensemble, à jouer au foot, à s’imaginer vivre de grandes aventures, tantôt pirates, tantôt chevaliers. Julian, c’était un peu le meilleur ami de James, son compagnon intrépide. Ils étaient inséparables, si bien que parfois, on les prenait pour deux jumeaux.

Enfant, le héros de James, c’était Peter Pan. Il croyait dur comme fer que le pays imaginaire existait, et qu’un jour, Peter viendrait le chercher pour l’y emmener en volant, en passant par la deuxième étoile à droite, puis tout droit jusqu’au matin. Il était assez drôle de le voir regarder par la fenêtre la nuit à appeler son héros favori sans qu’il ne vienne jamais. Ses parents lui répétaient encore et encore qu’un tel être n’existait pas, mais tout comme Wendy Darling, il n’écoutait pas. Il rêvait naïvement de ce beau jour où il affronterait le capitaine Crochet pour lui prendre son navire. Il se disait que s’il y croyait vraiment, alors tout serait possible. Finalement, à ses dix ans, toujours assez naïf pour y croire, il en eût assez d’attendre. Il voulait voler, il voulait rencontrer Peter Pan et les garçons perdus, coûte que coûte. Un soir, il s’approcha alors de la fenêtre, l’ouvrit, et s’approcha dangereusement du bord. Heureusement, ce n’était qu’au premier étage. Il admira le sol, soufflant pour se donner du courage, puis dirigea son regard vers le ciel, cherchant cette fameuse étoile qu’il n’avait jamais trouvé. Il ferma les yeux un instant. « Il suffit d’y croire. Et de remplir sa tête de pensées heureuses… » Il avait oublié un détail : la poussière de fée. Chose que dans ce monde, il n’y avait pas. « Je veux y croire. » Il avait l’air d’un suicidaire désespéré sur le rebord de sa fenêtre. Il était plein d’espoir pourtant. Il souffla encore une fois, et, rempli de courage, s’élança vers l’extérieur. « Je vole ! » Pendant un court instant, il y avait cru. Avant de s’écrouler au sol dans un son plutôt inquiétant. Il se souvenait très bien de la douleur intense qu’il avait ressenti, puis plus rien. Le néant. Il s’était évanoui. Lorsqu’il rouvrit les yeux, il aperçut la chambre d’hôpital, puis ses parents, plus furieux qu’attristés. Sa mère fit un large pas vers lui et le gifla bruyamment. « Idiot ! Tu aurais pu te faire bien plus mal ! Tu aurais pu… » Elle finit par éclater en sanglots, pensant qu’il aurait pu mourir aussi bêtement. Il avait une jambe et un bras dans le plâtre, chose qui l’agaça longtemps pour jouer de la guitare. Après cet événement, il revint à la raison, et comprit que Peter Pan n’était qu’un conte pour enfants. Dangereux, mais un conte quand même.

« Tu es doué tu sais ? Et tu aimes ça, ça se voit. Tu pourrais aller très loin, James. » Son professeur de guitare. Lorsque tout le monde lui disait que c’était impossible, lui l’accompagnait encore et encore jusqu’au bout de ses rêves. Très vite, la musique devint la passion de James. Il voulait être un vrai musicien, monter sur scène et sentir cette atmosphère si particulière. Il voulait vivre de sa passion, quoi qu’il lui en coûte. Il était prêt à tout. Sa guitare, c’était son bébé. Il avait économisé pour s’en acheté une à lui, et quiconque la touchait se faisait incendier par le jeune homme. Il lui avait même donné un nom, Gispsy. C’était sa guitare, la chose la plus précieuse au monde. Par la suite, il avait également commencé à jouer du piano, puis de la batterie, intéressé par toutes formes de musique. C’était un passionné, un acharné, pas de doute. Avec ses deux meilleurs-amis, ils avaient même monté un groupe ensemble pour s’amuser tout d’abord, mais dans le fond, ils espéraient bien réussir. Ils étaient les trois mousquetaires, unis comme jamais, à faire les quatre-cents coups ensemble sans se soucier du mal qu’ils pouvaient bien causer. Il en avait passé des soirées avec eux à rire de tout et de rien, à se soûler comme s’il n’y avait pas de lendemain. Pour James, ils faisaient partie de la famille au même titre que son frère et sa sœur. Ils avaient tous les trois le même rêve et étaient déterminés à le poursuivre jusqu’au bout. Cependant, les parents de James n’étaient pas vraiment du même avis. Il annonça finalement la nouvelle au beau milieu d’un repas de famille, le genre de repas barbant mais auquel personne n’échappe. Son grand-père, celui d’où lui venait son deuxième prénom, Auguste, celui-là même qu’il n’avait jamais apprécié, lui demandait quels projets d’avenir James, Julian et Alaska avaient. Lorsque ce fut au tour de James, celui-ci n’y alla pas par quatre chemins. « Je veux devenir un vrai musicien, c’est ce que je veux faire de ma vie. » A cette remarque suivit un long silence gênant. Tout le monde le regardait comme un ahuri, à part Julian. Son grand-père haussa les sourcils en soupirant. « Eh bien, tu es encore bien naïf pour ton âge si tu crois qu’être musicien est un vrai métier. » James le fusilla du regard. Son père et lui n’étaient pas de la même famille pour rien. « Il rêve encore… C’est un jeune très imaginatif. Personne n’oubliera qu’il a sauté par la fenêtre en pensant pouvoir voler comme Peter Pan. » Tout le monde autour de la table éclata de rire, et James baissa la tête, joues rouges, en serrant ses couverts fermement dans ses mains. « Il fera des études de médecines et deviendra un grand chirurgien. » Son père était catégorique, comme si l’avenir de James lui appartenait. « Je ne veux pas devenir un grand chirurgien ! Je veux devenir un musicien professionnel avec mon groupe ! On ira loin tu verras ! » Il décida alors de quitter la table, quitte à vexer ses grands-parents, plus déterminé que jamais à prouver à sa famille qu’il pouvait réaliser son rêve.

Cependant, à la fin du lycée, ses parents avaient gagné. Il se retrouva forcé à faire des études de médecine qui ne l’intéressaient absolument sous la menace de son père de le jeter dehors et de lui couper les vivres. Il ne s’était jamais entendu avec son père, mais il n’aurait jamais pensé qu’il puisse aller aussi loin. A dix-huit ans, il se retrouva donc sur le campus à tâcher d’avoir de bons résultats. Il jonglait entre les cours et les répétitions avec son groupe, toujours présent, toujours uni. Les parents de ses deux meilleurs amis étaient bien moins exigeants que les siens et les aidaient à poursuivre leur rêve. James les enviait pour ça. Il aurait tellement aimé que sa mère le pousse à réaliser ses objectifs… A la fac, il se trouva une petite-amie. Elle était belle, elle était intelligente et surtout, elle plaisait à ses parents. Il n’était pas amoureux, mais c’était encore un bon moyen de s’écraser devant sa famille. Elle n’était pas au courant de ses rêves, elle ne savait rien de lui à vrai dire, et c’était mieux comme ça. Ils se voyaient, ils couchaient ensemble, ils souriaient devant ses parents, point. James commençait à croire que sa vie était finie. La comédie dura un an. Une année entière à faire semblant, à accepter ces stupides conditions qui ne faisaient pas parties de lui. Puis finalement, un jour, il eût les résultats de son année, se révélant catastrophiques. Il ne passerait pas l’année suivante. C’était l’occasion rêvée pour lui. Son père lui criait après qu’il n’était qu’un bon à rien, qu’il avait intérêt à se bouger s’il voulait une vie décente, et James souriait. Il se leva ensuite et regarda son père droit dans les yeux. « De toute façon, j’avais l’intention d’arrêter. Ca ne me plaît pas, je déteste ça. Je vais aussi quitter Felicia, je ne l’aime pas. » Son père rougit de colère avant de se remettre à hurler. « Rappelle-toi ce que je t’ai dit James ! Il n’y aura pas de retour en arrière possible ! Si tu quittes la fac, tu n’auras plus rien pour vivre ! » Mais il avait tout prévu, et était bien fier de son coup de maître. « Eh bien parfait. J’ai trouvé un travail, et un petit appartement ! Tu ne m’empêcheras pas de poursuivre mon rêve. » Son père resta bouche bée devant tant de détermination. James lui sourit avant de tapoter son épaule. « Au revoir, papa. » Ca sonnait comme une blessure profondément ancrée en lui. Il quitta la pièce et prépara ses affaires avant de quitter la maison… Pour toujours.

Quitter la maison familiale lui avait fait un bien fou. Certes, c’était bien plus compliqué de gérer le travail et les répétitions et il n’avait pas beaucoup d’argent, mais c’était toujours mieux que de devoir supporter les exigences ridicules de ses parents. Depuis un an qu’il vivait dans ce petit appartement qui ne payait pas de mine, seul son frère venait lui rendre visite. Il n’était assez proche de sa sœur aînée pour qu’elle vienne le voir et ses parents n’avaient toujours pas digéré le fait qu’il soit parti de la sorte. Il ne démordait pas, il était déterminé à devenir un grand musicien, accompagné de son groupe. Il était persuadé qu’ils iraient loin. Au début, c’était difficile, ils n’avaient pas vraiment de succès, peut-être trop jeunes pour la plupart des gens, ou trop inexpérimentés malgré leurs nombreuses années d’entraînement. Ils ne gagnaient pas d’argent, ne faisait que de rares concerts, souvent gratuits, n’avait pas vraiment de public et pire encore, les membres se dispersaient. Pour la chanteuse et le batteur du groupe, ce n’était qu’un hobby, une distraction plus qu’autre chose, ils n’étaient pas autant impliqués que James et ses deux autres amis, ce qui créait souvent des conflits. A vrai dire, il n’y avait pas une répétition sans une dispute. Il était bien difficile de garder espoir. Finalement, le groupe se désintégra, comme ça, suite à un conflit plus important que les autres, la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Emma, la chanteuse, fut la première à hurler qu’elle en avait assez et à partir. Oliver, le batteur, la suivit presque aussitôt. Quant aux trois mousquetaires, ils se regardèrent un instant, dépités, puis finirent par se dire que pour l’instant, mieux valait faire une pause. Dans leur tête, ce n’était pas définitif, mais il fallait croire qu’ils avaient tous besoin de s’écarter de ce groupe qui les engluait ensemble. Quand il n’était pas au travail, James traînant dans son appartement à chercher quoi faire, à jouer de la guitare, composer des morceaux ou lire, tout simplement. Il s’ennuyait sans son groupe, ça se voyait, et commençait doucement à croire que sa famille avait raison. Ce fut un jour comme un autre, un jour où il se demandait s’il allait échouer, que son frère lui présenta Hope. Il sonna à la porte et James alla ouvrir, tout bêtement. Julian souriait comme jamais, cachant sa petite-amie dans un premier temps. « Qu’est-ce qui t’arrive ? T’as vraiment l’air d’un idiot. » Julian avait dix-huit ans à l’époque, et James en avait vingt. Ils étaient encore bien jeunes. « Il faut que je te présente quelqu’un ! » Ce fut à ce moment-là qu’apparut Hope dans son champ de vision. Aussitôt, son cœur se mit à battre à folle allure et il fut happé par la beauté de la jeune femme. Il eût un sourire chaleureux, pensant que peut-être, son frère lui avait trouvé une chanteuse pour la refonte de son groupe, puis la réalité le frappa en plein cœur. « Voici Hope, ma petite-amie ! » James perdit aussitôt son sourire et regarda Julian d’un mauvais œil, profondément déçu. « Bonjour, enchantée. » Même sa voix était merveilleuse. James comprit tout de suite que cette femme allait poser problème. Il lui serra la main, légèrement gêné, tentant de paraître le plus froid possible. « James. Je suis le grand-frère de Julian. Fais attention à lui. » On aurait dit un père qui jaugeait la compagne de son fils. Après ça, plus rien ne fut pareil. Au début, il pensait que Hope ne serait que de passage dans la vie de Julian, que peut-être, il aurait une chance, mais bien vite, tous ses espoirs furent réduits à néant.  

Il ne fallut que neuf mois à Julian pour la demander en mariage, et il ne fallut qu’une minute à Hope pour lui répondre oui. James avait eu le droit à tous les détails de la demande, chose qui avait fini par lui donner la nausée. Il n’imaginait pas son frère marié, et encore moins avec elle. Il aurait voulu être à sa place. Il était amoureux, il avait fini par le comprendre. Hope était la seule qui arrivait à faire battre son cœur aussi vite tout en l’apaisant. Pour lui ça ne faisait aucun doute, c’était la femme de sa vie. Et pourtant, elle serait bientôt la femme de son frère. Par respect, par amour également, autant pour son frère que pour elle, il laissa faire, il ne tenta jamais rien pour la séduire, il n’eût jamais aucun geste déplacé envers elle, à part quelques petits regards qu’il ne pouvait pas empêcher. Julian lui demanda d’être son témoin, il refusa, n’ayant aucune envie d’être complice de cette perte. Il aida cependant à choisir un costume et organiser une fête avant le mariage en espérant de façon malsaine que Julian ferait une terrible erreur qui remettrait en cause leur mariage. Cela n’arriva jamais, et ils se retrouvèrent le jour J à fêter leur union officiellement. Ce jour-là, il perdit la raison une première fois. Il eût soudain l’envie de lui dire, de lui avouer son amour, et tant pis pour son frère. Il se dirigea alors en courant vers la salle où Hope se préparait, frappa avant d’ouvrir la porte et aperçut un véritable ange. Elle était radieuse dans sa robe de mariée. Il aurait pu citer Roméo qui parlait de Juliette s’il en avait eu le droit. Elle souriait, angoissée mais profondément heureuse. Finalement, il n’eût pas le courage. « Tu es magnifique. Julian va t’adorer dans cette robe. » Il sourit et s’éclipsa, le cœur lourd et l’envie de vomir lui crevant la gorge. Finalement, l’heure de la cérémonie arriva vite et il s’installa, attendant comme tout le monde que les vœux soient échangés. Ce fut d’ailleurs la première fois qu’il revoyait ses parents depuis son départ, et il prit un malin plaisir à les ignorer. Lorsque Hope entra dans la salle, il vit les yeux de Julian s’émerveiller. Ils échangèrent bientôt leurs vœux, serrant un peu plus le cœur de James. Il se sentait terriblement mal. Puis, le prête posa la question ultime à la jeune femme. Elle sourit, et répondit. « Oui, je le veux. » C’en était trop pour lui. Il étouffait. Il se leva, devant tout le monde, traversa l’allée centrale et quitta l’église. Il se sentait terriblement mal. Il alla finalement vomir un peu plus loin, incapable de contenir ses sentiments. Il lâcha quelques larmes à l’occasion, avant que son frère ne vienne le rejoindre. « Eh ! Tu vas bien ? » Il hocha la tête, essayant de reprendre un peu de contenance. « T’en fais pas, c’est pas parce que je me marie qu’on va être séparés ! T’es mon frère, ça ne changera jamais ! » Il avait tout compris de travers. James le fixa un instant, puis répliqua plus froidement qu’il ne l’aurait voulu. « C’est pas ça. Tu n’y es pas du tout. » Il vit Hope passer et ne put s’empêcher de la regarder. Julian se retourna alors, puis les deux frères se fixèrent. Il avait compris. Après ce jour, plus rien ne fut comme avant entre eux.

Ca faisait plus de treize ans qu’il supportait de voir Hope avec son frère. Treize ans qu’il était fou d’elle sans rien dire. Il n’aurait jamais cru pouvoir tenir autant, et aimer quelqu’un avec autant d’intensité si longtemps, surtout à sens unique. Il avait bien essayé plusieurs fois de l’oublier dans les bras d’une autre, mais rien n’y faisait. Elle revenait toujours. Chaque fois qu’il la voyait, c’était une torture, et pourtant, il s’efforçait de rester proche d’elle, comme le beau-frère qu’il était, comme un ami, un soutien, un bout de famille. Avec Julian, c’était tendu. Il se montrait parfois froid avec lui, sentant le regard qu’il portait sur sa femme. Evidemment, ils n’en parlaient jamais, si bien que James doutait régulièrement qu’il soit réellement au courant. Durant ces treize ans, Hope et Julian eurent deux enfants. Deux adorables fils que James ne put qu’adorer. Noah et Andrew, deux petites terreurs adorables. Ca brisait un peu plus le cœur de James, mais il tenait bon, coûte que coûte. Il considérait ses neveux comme ses fils, ou presque, les gâtait tant qu’il le pouvait. Au final, il se lia bien plus à Noah qu’à Andrew. Ils étaient très complices et partageaient des moments bien particuliers, uniques et inégalables. Il aurait tellement aimé être à la place de son petit frère. Lui, il n’avait que son groupe. Groupe qui s’était d’ailleurs reformés, comme autrefois, avec cependant un nouveau batteur et une nouvelle chanteuse. James n’aimait pas tellement le batteur, sans trop de raison, juste parce qu’il était nouveau et qu’il avait du mal à s’y faire. La chanteuse était amoureuse de lui, ça se voyait à des kilomètres, mais il n’y prêtait aucune attention. Pour lui, il n’y avait que Hope, celle qui lui déchirait le cœur chaque fois qu’elle parlait de son bonheur de mère et d’épouse. Treize ans d’amour à sens unique à l’écouter se confier et vanter les mérites de son mari. James était jaloux, tout ce temps, mais se taisait. Un jour, en novembre, Julian lui rendit visite dans son appartement, bien plus grand que le précédent, ses moyens s’étant décuplés à force du succès. Il n’avait pas l’air content. Il entra, croisa les bras en lui disant qu’il fallait qu’il lui dise quelque chose d’important. « Il y a un problème ? C’est Hope ? Les enfants ? » Sa première pensée fut de se demander si elle allait bien. Elle plus que tout le monde. Julian lâcha un bref rire. « Non. C’est moi. Je m’en vais. » James ne comprenait pas. « Quoi ? Tu pars en voyage ? » Un deuxième rire. « Non. Je pars. Je quitte Hope, je m’en vais pour de bon. » Il n’en revenait pas. Est-ce qu’il se moquait de lui ? Pour James, c’était impossible. « Arrête un peu. » Ce devait être une blague. Julian ne quitterait jamais Hope, jamais de la vie. Finalement, le plus jeune haussa les épaules et sortit de l’appartement. « On verra bien. » Sa visite était étrange. Avait-il bu ? Qu’est-ce qu’il racontait ? Il se posa la question quelques minutes, puis reprit ses activités comme si de rien n’était. Il regretterait amèrement de ne pas l’avoir pris au sérieux. Il ne prévint pas Hope, il ne le dit à personne, tout ça parce qu’il n’avait pas cru son frère. Il aurait dû se douter en voyant sa tête qu’il ne blaguait pas.

Quelques jours plus tard, il reçut un coup de fil. Un coup de fil auquel il aurait dû se préparer. Hope avait l’air abattu, apparemment complètement perdue. En l’entendant, James comprit tout de suite, et il eût terriblement honte. Jamais il ne s’était senti aussi mal. Il n’avait rien fait pour retenir son frère, et maintenant, Hope se retrouvait seule avec ses enfants. Il ne pourrait jamais pardonner à Julian d’être partie sans rien dire. « Tu ne saurais pas où il est par hasard ? Je veux dire, est-ce qu'il t'a dit qu'il comptait partir ? » James déglutit. Que devait-il faire ? Lui mentir, ou lui révéler la vérité, au risque qu’elle lui reproche toute sa vie de l’avoir laissé filer ? Il se frotta le front nerveusement, éloignant le combiné de lui pour ne pas qu’elle l’entende, puis souffla un bon coup. Il ne voulait pas lui faire plus de mal, et surtout, il ne voulait qu’elle se mette à lui en vouloir à lui aussi. Il reprit le combiné et répondit de la voix la plus calme possible. « Non. Il a rien dit. Tu veux que je vienne ? » Il ne voulait pas vraiment profiter de la situation, pas du tout à vrai dire, mais il voulait se rendre utile. Racheter sa faute peut-être, assurer pour son idiot de frère, l’aider avec les enfants… « Euh oui... J'aimerais bien que tu viennes, enfin si ça te dérange pas. » Si ça le dérangeait ? Au contraire. Il allait passer du temps avec elle et l’aider à s’en remettre, s’il le pouvait. Il allait pouvoir jouer ce rôle qu’il avait toujours voulu endosser. Bien sûr, il ne pensait pas aller trop loin, il ne voulait pas non plus piquer la femme de son frère, après tout c’était Julian, et James n’était pas comme ça. « J'arrive. » Il raccrocha avant même d’avoir sa réponse et fonça vers sa voiture pour la rejoindre. Il serait toujours là pour elle, coûte que coûte. En arrivant, Noah lui courut dans les bras, apparemment heureux de le voir, puis Hope vint le saluer, la mine triste, tellement qu’il eût honte d’avoir pensé un instant à profiter de la situation pour la séduire. Il n’avait pas le droit. Elle était la femme de son frère, ce serait le seul lien qu’ils auraient. Ils se mirent alors à chercher les raisons du départ de Julian, à l’écart, dans la cuisine, mais aucune ne parut réaliste. James n’avoua jamais à Hope qu’il l’avait vu quelques jours auparavant et qu’il aurait pu le retenir. Sa haine envers son frère débuta réellement ce jour-là. Il ne pouvait pas lui pardonner d’être parti en abandonnant femme et enfants de la sorte, sans la moindre explication.

Depuis le départ de Julian, James passait la plupart de son temps à essayer d’aider Hope à tout gérer. Il s’arrangeait pour troquer quelques répétitions avec son groupe contre la garde de ses neveux. Il allait régulièrement les chercher à l’école, il était présent, lui, contrairement à son frère, pour Hope et pour ses deux fils. Parfois, il lui arrivait même de passer la nuit chez elle, sur le canapé bien sûr, juste pour s’assurer que tout allait bien. Il était très en colère contre son frère, il ne comprenait pas sa décision, tellement égoïste et stupide selon lui. Il devait des explications  à sa famille, mais en six mois, il n’envoya aucun message, ni aucun appel, et ne répondit jamais lorsque James et Hope s’évertuaient à lui passer un coup de fil. Plus le temps passait, plus James enrageait. Malgré le bonheur que lui procurait la présence presque constante de Hope dans sa vie à présent, ce n’était pas à lui de veiller sur eux. Il se refusait toujours à trahir Julian, et pourtant, il aurait pu à de nombreuses reprises. Mais il fallait croire qu’il avait trop d’honneur. Hope était la femme de son frère, il n’avait pas le droit de la toucher. Pourtant un soir, tout changea. Il était resté tard, attendant patiemment que les enfants s’endorment en écoutant l’histoire que leur racontait leur merveilleuse mère. Malgré tout ce qui lui tombait dessus, elle prenait toujours le temps de les border. Il attendait dans le salon, sur le canapé, se demandant s’il devait rentrer chez lui ou rester jusqu’au lendemain. Hope descendit finalement et ramena deux bières, une pour chacun, avant de s’asseoir à ses côtés. Plus le temps passait, plus c’était difficile de tenir la promesse qu’il s’était faite de ne rien tenter. Elle le remerciait d’être là, il répondait qu’il fallait bien que quelqu’un assume à la place de son frère, comme si c’était normal. Pour lui, ça l’était, mais elle ne paraissait pas d’accord. Il finit par se rapprocher d’elle en passant son bras autour d’elle, affirmant que c’était totalement normal de jouer ce rôle, qu’il serait toujours là. Oui, il serait toujours là, toujours prêt à se lever en pleine nuit pour la rejoindre si elle le lui demandait. Elle se dégagea finalement en parlant de ses enfants. Elle ne voulait pas leur mentir, mais pour lui, c’était pire que de dire la vérité. Il fallait qu’ils sachent qu’il ne reviendrait pas. Noah, le plus grand, s’en doutait déjà, mais il continuait d’espérer terriblement. « T'as raison... Je ne veux pas leur briser le cœur, ce ne sont que des enfants... » Elle, elle avait le cœur brisé, ça se voyait. Il la regarda un instant, désolé, et s’approcha d’elle en lui prenant le visage. « Ca ira. » Ca sonnait comme une promesse, et il aurait tellement voulu pouvoir faire en sorte que ce soit vrai. Ils se toisèrent quelques courts instants puis finalement, sans crier gare, elle lui attrapa le col pour l’embrasser fougueusement. A vrai dire, jamais personne ne l’avait embrassé comme ça, pas même ces fans qu’il ramenait parfois chez lui, plus pour oublier à qui son cœur appartenait vraiment que pour autre chose. Il ne la repoussa pas tout de suite, trop surpris par son geste, mais finit par le faire, malgré toute son envie de poursuivre cet échange. « Hope... Ce n'est pas bien. Tu es la femme de mon... » Son frère, le déserteur, mais son frère quand même. Il ne pouvait pas le trahir aussi facilement. Mais elle ne lui laissa pas le temps de poursuivre sa phrase. « On s'en fout. » Elle s’empara à nouveau de ses lèvres et cette fois, il n’opposa aucune résistance. Ca faisait quatorze ans qu’il attendait un moment comme celui-ci. Il l’aimait comme un fou, et pour la première fois, il sentait la chance tourner. Il profita de cette nuit autant que possible, comme si c’était la dernière qu’il passait sur Terre. Le lendemain, Hope se fit plus distante, et une fois James partit, il n’eût plus de nouvelle d’elle pendant plusieurs jours.

Il regretta amèrement d’avoir cédé ce soir-là. Elle ne le recontacta plus, ou juste pour lui dire qu’elle arrivait à gérer seule. Il aurait dû se douter qu’elle regretterait, après tout, Julian restait son mari. Pourtant, cette fois-là, il n’avait pas eu l’impression d’être ‘le frère de son mari’, mais bien James, un homme qui était amoureux d’elle. Il aurait voulu s’excuser auprès d’elle, mais il n’en eût pas le temps. Dix jours après leur aventure, un numéro inconnu s’afficha sur son téléphone. Il eût un mauvais pressentiment. « Monsieur Whitley ? » James arqua un sourcil, intrigué. « Oui c’est bien moi, qui êtes-vous ? » La voix paraissait sérieuse, et même grave, il n’aimait pas ça. « Vous êtes le mari de Hope Whitley ? Elle a eu un accident de voiture, elle est à l’hôpital… Inconsciente. » James s’écroula au sol, la main devant la bouche à se demander si elle allait s’en sortir ou non. « Monsieur Whitley ? » Il n’arrivait pas à répondre. Il déglutit finalement et s’efforça de parler. « Je ne suis pas… Elle va s’en sortir ? Je peux aller la voir ?! » La voix au bout du fil semblait pressée, après tout, il devait sans doute appeler des gens toute la journée pour leur annoncer de mauvaises nouvelles. « Elle est dans le coma pour le moment, mais son état est stable, elle devrait s’en remettre. Vous pouvez la voir, bien sûr. » Il ne répondit même pas et raccrocha, puis s’élança vers l’extérieur pour se rendre à l’hôpital. Il ne pensa même pas aux enfants qui attendaient très certainement qu’on vienne les chercher à l’école. Il demanda la chambre de Hope et se précipita pour la voir. Elle était endormie, mais elle était vivante. Il tremblait tant il avait peur pour elle. Julian n’était pas là, il n’était jamais là, et les médecins s’étaient mis à croire que c’était lui son mari, ce qu’il ne prit pas le temps de démentir. « Réveille-toi, je t’en supplie. » Il lui tenait la main fermement comme pour qu’elle se raccroche à lui, désespérément. Après environ une heure passée à la regarder en espérant qu’elle ouvre les yeux, il pensa enfin à ses neveux. Il fallait qu’il veille sur eux en attendant le réveil de leur mère. Il sortit donc, embrassant le front de Hope au passage, et fila à l’école. Ils attendaient là depuis un moment déjà. Il faisait nuit. Lorsque James arriva, Noah se jeta dans ses bras. « Tonton James !! Elle est où maman ? Elle devait venir nous chercher mais elle est pas venue… » James avait le visage dépité, le regard légèrement dans le vide, regardant Noah sans réellement le voir, choqué. « Votre maman… Elle est à l’hôpital. Je vais m’occuper de vous jusqu’à ce qu’elle puisse sortir. » Il leur épargnait les détails, mais Andrew commença à pleurer. « Maman ! Je veux voir maman ! » James sourit alors légèrement, s’agenouillant devant le plus petit en passant sa main derrière la tête du bonhomme. « D’accord, on va aller la voir alors. » Ils partirent donc tous les trois vers l’hôpital pour voir Hope, toujours inconsciente.

Pendant les douze jours qui suivirent, James ne participa plus à aucune répétition de son groupe. Pourtant, il avait des responsabilités en vue de leur succès, mais il ne pouvait plus. Il ne pensait qu’à Hope, et ne faisait qu’espérer qu’elle se réveille un jour, le plus vite possible. En attendant, il avait emménagé chez elle pour prendre soin de ses neveux. Vu de l’extérieur, ça pouvait paraître assez déplacé, mais pour lui c’était normal. Ils rendaient visite à la jolie blonde tous les jours à la même heure et y restaient autant de temps qu’ils le pouvaient. Parfois, James allait la voir seul et restait plus longtemps à son chevet, inquiet comme jamais. Et si elle ne se réveillait pas, que ferait-il ? Il ne pourrait pas s’en remettre. Mais finalement, le jour de son réveil arriva enfin. L’appel de l’hôpital ce jour-là fut bien plus joyeux que le précédent. Il prit les enfants et fonça à l’hôpital pour la voir. Sa soeur était là, et le frère de Hope également, mais toujours pas Julian. Il serra les poings à cette pensée puis se reconcentra sur la jolie blonde. Ils entrèrent dans la chambre au moment où Hope rouvrait les yeux. James tremblait, mais cette fois, c’était de bonheur. Il avait eu tellement peur… Son frère se mit à lui dire qu’il avait eu peur, mais n’avait cessé de croire qu’elle reviendrait. Tout comme James. Ils ne s’étaient jamais vraiment entendus, et pourtant, ils donnaient la même importance à Hope. Puis Noah l’appela, cravant d’envie de la serrer dans ses bras. Elle demanda qui ils étaient, et James fronça les sourcils, interpelé par cette remarque. Andrew fondit en larmes. Peut-être était-elle encore dans le brouillard après tout. Il préféra penser ça et s’approcha d’elle pour la prendre dans ses bras sous l’œil mauvais de Jaime. « J’ai eu tellement peur Hope… Me refais plus un coup pareil ! » Il la serra fermement, incapable de la lâcher un instant, les larmes aux yeux à l’idée qu’il ait pu la perdre. Il finit par se dégager pour la regarder, petit sourire au coin des lèvres, mais elle lâcha une phrase qui lui brisa le cœur. « Je suis désolée mais... Je n'arrive pas à savoir qui vous êtes. » Son sourire s’effaça aussitôt. « Tu ne te souviens pas de moi ? Ou de tes enfants ? » Il lança un regard vers les deux garçons dans la pièce avant de revenir vers elle. Elle fit non de la tête et il s’écroula –pas physiquement, mais mentalement. Elle n’avait plus aucun souvenir. Il n’en revenait pas. Il eût un geste de recul et finit par se diriger vers la sortie, la gorge nouée, sans que personne ne vienne le retenir. Il quitta la pièce et lorsqu’il fut assez loin, il explosa. Il s’en prenait à tout ce qui était sur son chemin, à commencer par la machine à café, avant que le personnel ne vienne l’arrêter. Elle lui avait une nouvelle fois déchiré le cœur. Il partit et sans se poser de question, il atterrit à l’appartement de la chanteuse de son groupe, celle qui était amoureuse de lui. Il avait tellement mal… Il voulait oublier lui aussi. Oublier ces quatorze années à souffrir pour une même femme. Il était trempé à présent, il s’était mis à pleuvoir comme pour l’accompagner dans sa tristesse. Lorsqu’elle ouvrit la porte, il se jeta sur elle. Elle fut surprise, mais ne le repoussa pas, trop heureuse que ce jour arrive enfin. Finalement, il tenta de tout oublier dans les bras de cette femme qu’il n’aimait pas et qui ne le comprenait pas.

Il regretta aussitôt cette nuit partagée avec cette femme. Il ne l’aimait pas et ne voulait surtout pas qu’elle s’imagine quoi que ce soit. Il avait déraillé, à cause du choc, mais avait fini par revenir à la raison. Hope allait avoir besoin d’aide pour se souvenir. Il fallait qu’il soit là pour elle, coûte que coûte, puisque son mari, lui, avait disparu. Il rentra donc et décida d’emménager chez elle pour lui venir en aide. Elle ne se souvenait pas et ça le tiraillait. Il s’énervait parfois, à bout de nerfs lorsqu’elle répétait qu’elle ne se rappelait de rien. Leur nuit passée ensemble avait été gommée de son esprit tout comme la plupart des événements de sa vie. Se souviendrait-elle un jour, il n’en savait rien, mais il espérait, tâchant de l’accompagner du mieux qu’il le pouvait. Lorsqu’il en avait assez, il ramenait une femme chez eux, pour tester sa réaction, sans pour autant la toucher. Avec sa chanteuse, il avait eu l’impression de la trahir, il ne voulait pas recommencer. Certes, ce n’était pas son rôle, ce n’était pas sa place, il n’était que son beau-frère après tout, mais c’était plus fort que lui. Tant pis pour son frère cette fois-ci, il la voulait à ses côtés. Il était déterminé. Il veillait également sur les enfants bien entendu, comme il l’avait souvent fait. Noah était de plus en plus affectueux avec lui. Parfois le soir, lorsque Hope était couchée et que Noah n’arrivait pas à dormir, certainement à cause du stress de savoir sa mère dans cet état, James le prenait sur ses genoux et lui apprenait à jouer un air de piano sur celui que possédait Hope. Un petit moment d’intimité qui les soudait l’un à l’autre. Il aurait tant aimé être son père. C’était terriblement cruel de penser cela, mais tant pis. Un soir, alors qu’il jouait du piano dans son coin, incapable de dormir, comme c’était le cas la plupart du temps, Noah vint le rejoindre, l’air tout timide, s’asseyant à ses côtés au lieu de monter sur ses genoux. « Tu n’arrives toujours pas à dormir ? Tu veux jouer l’air qu’on a appris hier ? » Noah fit non de la tête, le regard abattu, soucieux. James se demanda bien ce qu’il pouvait penser. Il passa une main derrière sa tête, doucement, tendrement. « Tu as fait un cauchemar ? » Le petit garçon fit non de la tête à nouveau. Il y eût un petit silence, puis il finit par le briser, la voix faiblarde. « Dis… Il reviendra pas Papa, hein ? » James tiqua. Evidemment, son père lui manquait. Il manquait à ses deux fils. Il baissa la tête sans rien dire, n’ayant aucune envie de confirmer ou de nier ses dires. Au lieu de ça, il passa son bras autour de son neveu. « Je sais pas, Noah… » Autant être honnête. Personne n’avait eu de nouvelles de lui, pas qu’il sache en tout cas. Noah hocha légèrement la tête, la mine triste. « J’aurais aimé que ça soit toi mon père. » James fixa son neveu, surpris par cette annonce, et lâcha un petit sourire, malgré tout flatté qu’il se soit autant lié à lui. Il ne répondit rien, et ils restèrent quelques minutes encore comme ça, dans un silence apaisant, avant que James ne dise à Noah d’aller dormir. La situation se compliquait de plus en plus.