Samuel ∞ Dean

Une visite médicale. Quelle idée ! S’il avait bien quelque chose que Samuel détestait dans son job, c’était de se soumettre à cette visite, pourtant de routine, qui ne servait qu’à confirmer ce qu’il savait déjà. Tout allait bien, il pouvait continuer correctement son boulot. Et pourtant, ça le faisait flipper tout de même, comme si le médecin allait le déclarer tout à coup inapte à quoi que ce soit. À chaque fois, c’était le même refrain. Et à chaque fois, ça passait quand même. Mais il angoissait comme un dingue sans savoir réellement pourquoi. Parfois, il se répétait qu’il était complètement stupide et qu’il lui faudrait aller consulter, mais les psychologues, très peu pour lui. À ses yeux, les psys n’étaient que des charlatans, incapables d’aider qui que ce soit ! La seule fois où on l’avait obligé d’aller en voir un, c’était pour prévenir toute rechute suite à sa plongée dans la drogue. Et ça n’avait absolument pas marché, à en croire les semaines qui avaient suivi – les plus douloureuses de toute une vie.
Ce fut sur ces pensées moroses qu’il attendit son tour, en sentant son cœur s’accélérer chaque seconde. Merde, le pompier héroïque, le mec qui se faisait passer pour un gros dur, le fou furieux dégénéré du bulbe, avait peur des visites médicales. Et des clowns, mais ça, c’était une autre histoire. Il poussa un soupir. Samuel Daniels avait connu tellement pire ! Le danger, il le côtoyait tous les jours, il défiait la mort chaque seconde pour laisser cette foutue adrénaline parcourir ses veines, qui l’aidait à se sentir pleinement vivant. Non, décidément, Samuel Daniels n’était pas homme à se laisser impressionner. Inspire profondément, expire, comporte-toi comme un homme bordel ! Un homme. Son obsession. Sa pire crainte était d’être considéré comme un faible et si les copains découvraient qu’il stressait pour une simple visite médicale, il était bon pour subir les railleries habituelles.
Puis il n’y avait pas que cela. Il avait entendu la rumeur des collègues passés juste avant lui et le nom du médecin en charge des consultations flottait encore dans son esprit. Dean Daniels. Son grand frère. Bon sang, il ne pouvait pas tomber plus bas. Parmi tous les médecins exerçant à Pasadena, il avait fallu que ça tombe sur l’un des rares membres de sa famille ! Flipper devant un inconnu, soit, il pourrait faire face. Mais flipper devant son propre frère, quel crétin ! D’ailleurs, il se demandait ce que Dean fabriquait là, il était chirurgien, aux dernières nouvelles, il n’avait pas à assurer les consultations à la caserne. Enfin, il devait bien y avoir une explication logique – autre que celle, beaucoup moins rationnelle, de Dean souhaitant garder un œil sur son petit frère. Bientôt, donc, ce fut son tour. Il s’avança avec l’étrange impression de grimper sur l’échafaud pour se faire guillotiner sauvagement. Heureusement, l’un de ses amis le rassura d’un large sourire pour lui signifier que non, normalement, ils n’allaient pas crever aujourd’hui. Ça le rassurait un peu. Alors, les mains un peu moites, il se jeta dans l’arène.
Le cabinet médical était uniquement occupé par Dean et il se détendit légèrement, osant même un léger sourire. On ne pouvait pas dire que l’endroit resplendissait et au contraire, Sam le trouvait plutôt triste à mourir. Raison de plus pour avoir envie de fuir en courant – de fuir très loin, pourquoi pas sur une île déserte ? Non. Pas maintenant. Il faisait face à son grand frère et il fallait bien qu’il ouvre la bouche, au moins pour faire croire qu’il était d’excellente humeur. « Salut frangin ! Qu’est-ce que tu fabriques là ? Ton petit frère te manquait trop, il fallait que tu viennes le voir ? » C’est ça. Fais donc de l’humour, pendant que tu le peux encore. L’humour était son arme dans la plupart des cas. Un humour complètement naze, il fallait bien en convenir, mais cela l’apaisait un peu. Les deux frères Daniels étaient réputés pour leur âme sarcastique et ensemble, ils faisaient des étincelles. Il posa sa veste sur la chaise et le dévisagea avec attention. Son frère n’avait pas changé depuis la dernière fois qu’il l’avait vu – depuis avant-hier, ça n’était pas très étonnant. C’était le genre de mecs qu’on était obligé de respecter. Cinq ans les séparaient et la différence d’âge commençait à être importante, suffisamment pour que ce respect, justement, s’installe. « Bon ! Alors, qu’est-ce que tu vas me faire subir aujourd’hui ? » Il n’en menait pas large du tout et essayait de le cacher tant bien que mal. Plutôt mal que bien, d’autant plus que rien n’échappait à Dean, surtout en ce qui concernait son frangin. Dean allait encore se foutre de lui. Alors, un sourire crispé aux lèvres et l’air un peu idiot à demeurer debout, immobile, au beau milieu de la pièce, il attendit que son frère prenne enfin la parole. Et avec un peu de chance, son calvaire serait bientôt terminé.

Samuel ∞ Dean

Cette journée allait être particulièrement pénible, Dean en été presque certain. Tout juste était-il arrivé à l'hôpital qu'on le virait de son service pour la journée, la raison ? Un collègue est malade et il faut absolument faire les visites médicales des pompiers de Pasadena. Faire des visites médicales ne le dérangeait pas tellement, mais il détestait les plans de dernière minute comme ça. On lui donna une liste de caserne à visiter, il allait en avoir pour la journée. Les visites en elles-mêmes de sont pas longues, mais en faire pas loin d'une centaine dans la journée, c'est fatiguant, et ça prend pas mal de temps, ne serait-ce que pour les déplacements. Par moment, il se demande encore pourquoi il s'est proposé pour faire des remplacements chez les médecins généralistes. Au moins au bloc, il était tranquille. Enfin bref, de toute façon, c'est pas comme si le médecin avait réellement le choix. Dean se dirigea dans la réserve et prit le matériel dont il allait avoir besoin pour les contrôles. Les pompiers étaient en général en très bonne santé, mais le bilan devant être total pour ne pas passer à côté de quoi que ce soit, après tout, c'est lui qui va décider d'envoyer ces gars en sauver d'autres, autant s'arranger pour ne pas avoir à les sauver eux aussi. Dean attrapa un électrocardiogramme, les patchs qui vont avec, la machine pour analyser le souffle, le matériel pour la vision,  un tensiomètre électronique et un stéthoscope, pour les prises de sang, les casernes ont déjà commander le nécessaire pour ce faire, et tant mieux, il ne se sentait pas de se trimbaler une centaine de boîte d'analyse.
La voiture une fois chargée de tout son matériel, le médecin se dirigea vers la première caserne de sa liste. Il en enchaîna trois autres, avant de se pointer dans celle de son frère, Samuel. C'était peut-être le seul bon point de la journée, il allait avoir la chance de passer un peu de temps avec son petit frère, et même si il allait lui faire subir une batterie de tests, ce serait une bonne occasion de parler en tête à tête.

Une fois arrivé à la caserne de Sam, Dean se fit guider jusqu'à la salle d'examen, il n'avait pas encore aperçu son frère, mais ça ne devrait pas tarder, son nom était dans les premiers de la liste. Et justement, c'est sa petite bouille qu'il vit se présenter à la porte quand il libéra l'autre pompier.« Salut frangin ! Qu’est-ce que tu fabriques là ? Ton petit frère te manquait trop, il fallait que tu viennes le voir ? » Dean laissa échapper un léger rire, si aurait bien aimé que ce soit simplement pour ça. Il allait passer un moment avec Sam, d'accord, mais il n'appréciait pas forcément le fait de lui faire subir une visite médicale. Quand on s'occupe des membres de sa famille, c'est un sentiment bien différent. Dean est sûr que son frère est en très bonne santé, mais la peur de lui trouver quelque chose de pas normal est toujours particulièrement présente, après tout, c'est son frère, il ne veut pas être celui qui pourrait lui apprendre une mauvaise nouvelle. « Je bosse Sam, l'autre médecin est malade, je le remplace. Et crois-moi, j'aurais préféré te voir autour d'une bonne bière, t'as pas idée du nombre de tension que j'ai pris depuis ce matin, j'ai même du mal à voir les aiguilles. Bref, assis-toi. » Lui dit-il en lui désignant le siège juste devant lui. Dean baissa les yeux sur le papier devant lui, il tenait le dossier de son frère entre les mains, regardant ses antécédents, même si il les connaissait parfaitement, il était le mieux placé pour les connaître d'ailleurs. Mais bon, pas la peine de remuer le couteau dans la plaie non plus, le passé n'a pas besoin d'être remis sur la table, pas aujourd'hui. « Bon ! Alors, qu’est-ce que tu vas me faire subir aujourd’hui ? » Dean releva une nouvelle fois les yeux vers son frère, qui ne s'était d'ailleurs pas assis sur la chaise en face de lui. Le médecin fronça les sourcils, il connaissait ce gamin comme si il l'avait fait, et il savait qu'il ne se trompait sur l'impression qu'il avait, Sam flippait. « Je rêve où tu flippes Sam ? » Mais Dean ne se permit pas de rire. Beaucoup sont effrayés par les visites médicales, c'est simplement une découverte pour lui, il ne s'était jamais douté que Sam serait terrorisé à l'idée de faire une simple visite de routine. Il avait la même tête quand il a vu un clown pour la première fois. « Assied-toi, je vais t'expliquer, y'a rien de sorcier. » Dean attendit que son frère prenne place devant lui pour continuer ses explications. « Je vais te faire un électrocardiogramme, pour mesurer l'activité de ton cœur, c'est juste des électrodes. Ensuite, je vais te faire souffler dans une machine qui va mesurer la quantité d'air que tu expires, après on va contrôler ta vision, je prendrais ta tension, écouterais tes poumons et pour finir une petite prise de sang. » Dean savait que son frère fumait comme un pompier, alors il n'était pas très optimiste pour sa respiration, mais il sait aussi qu'il compense en faisant beaucoup de sport, donc il serait très certainement dans la norme. « Je me fais pas de soucis pour toi, je te connaît, je l'aurais vu depuis longtemps si quelque chose clochait, c'est simplement pour officialiser tout ça auprès de tes supérieurs, rien de bien méchant quoi. T'as des questions ? » Il ne voulait pas non plus trop le brusquer, alors si il devait prendre une heure de visite avec son frère, il en prendrait une, il serait à la bourre pour la prochaine caserne, et il s'en fichait royalement, il aurait fait ça avec n'importe quel pompier, mais Sam, c'est différent.

Samuel ∞ Dean

En entrant dans cette salle, Samuel savait d’avance que ça n’allait pas être une partie de plaisir. Non pas qu’il se pensait incapable de réussir les tests, non. Des visites médicales, il en avait déjà connu un certain nombre au cours de sa carrière, elles étaient indispensables, bien sûr. Le jeune homme le savait bien. Mais il avait toujours cette petite appréhension que tout ne se passe pas comme prévu. Et, accessoirement, de se retrouver en face de son frère. Il ne savait pas s’il devait ou non se réjouir de sa présence. Content de le voir, certainement. Mais dans de telles circonstances, il en doutait sérieusement. Ils se voyaient très rarement au boulot, en fait, et Dean ne venait jamais à la caserne. Sauf circonstances exceptionnelles. Là… Là, Sam se demandait juste comment tout cela allait finir. Mais en voyant la silhouette familière, il ne put s’empêcher de sourire, heureux de le voir. Dans cette gigantesque mascarade que formait leur société actuelle, c’était bon de pouvoir compter sur quelques personnes bien intentionnées. Dean était de ceux-là. Son frère répondit à sa question après un léger rire et lui expliqua qu’il travaillait – quel scoop ! – pour remplacer un collègue malade. Samuel hocha la tête. Cette réponse lui convenait. Il esquissa un sourire sarcastique avant d’ironiser « Quelle vie cruelle ! » Mais il comprenait tout à fait ce que voulait dire son frère. Quand on est habitué à mieux, devoir faire le tour de toutes les casernes pour les visites médicales de tous les pompiers du secteur était une tâche horriblement fastidieuse. Alors si Dean pétait un plomb en fin de journée, il le comprenait vraiment, il aurait été incapable de tenir aussi longtemps ! Néanmoins, il s’assit sans faire d’histoires, sachant que de toute manière, il ne pourrait y réchapper. Il n’était plus ce môme de quatre ans qui piquait une crise pour ne pas aller chez le dentiste, non, il devrait prendre sur lui. Et éviter de prendre ses jambes à son cou. Quand Dean lui demanda s’il flippait, Samuel répondit par une légère grimace. Bon sang ! Il ne pouvait décidément rien lui cacher. Dean était du genre perspicace quand il le voulait et, si Sam était un bon menteur la plupart du temps, il n’avait jamais réussi à lui mentir. Pas à lui. « Dis pas n’importe quoi ! J’suis juste… méfiant, voilà » protesta-t-il avec fougue. Quelle excuse bidon. Il marqua un temps de pause, l’air indécis, avant de capituler « Bon, d’accord, j’flippe un peu, c’est vrai… J’ai jamais aimé les visites médicales, ça commence toujours bien et au final, il y a toujours un truc qui foire. Alors je préfère me montrer prudent ». Jusque-là, il ne lui était rien arrivé, et il ne lui arriverait certainement rien aujourd’hui non plus ! Il était en forme, était un grand sportif et la seule chose qui pouvait poser problème était le fait qu’il fume comme un cinglé – il n’aimait pas l’expression fumer comme un pompier, allez savoir pourquoi. Cette addiction le bouffait à petit feu et il avait bien essayé de ralentir, c’était peine perdue ! Il jurait de s’y mettre, mais repoussait toujours au lendemain. Manque de temps, manque de motivation, manque de tout.

Il écouta donc son frère lui expliquer ce qui allait se passer et il approuva, comprenant qu’il n’y avait rien d’extraordinaire là-dessous. Comme toutes les visites médicales, en somme. Mais tout de même, d’un coup, il ne pouvait s’empêcher de se dire qu’un jour ou l’autre, la clope lui poserait problème. Déjà, il le savait, il n’était pas forcément au top de ses capacités à cause de cette saloperie. Dean lui demanda, en guise de conclusion, s’il avait des questions, et il sourit « Des questions… Ouais, une seule. Ote-moi d’un doute, j’vais pas devoir me mettre à poil devant toi, hein ? Non pas que ça me dérange, enfin bon ». Il laissa échapper un léger rire. Bordel, il faudrait vraiment qu’il arrête de raconter n’importe quoi dans les moments soi-disant sérieux, mais c’était plus fort que lui. Il prit une profonde inspiration, comme pour se donner un quelconque courage, et conclut « Bon, j’ai rien dit… Ok, j’suis prêt, chef ! Fais donc cet électrocardiotruc, j’suis tout à toi ». Et ça le faisait marrer, en plus. Rien de tel pour détendre un peu l’atmosphère. Puis il en profiterait pour discuter un peu avec son frère et, subrepticement, en apprendre un peu plus sur lui. Comment il allait, s’il avait quelqu’un dans sa vie – la grande question ! Samuel le charriait continuellement avec ça – et tout le reste. Pour détourner un peu son attention de cette foutue visite. Il savait pourtant que sa crainte était déraisonnée, c’était comme une phobie – en moins pire tout de même – il savait que cette peur était excessive, mais… C’était plus fort que lui. Comme certains avaient peur de sortir de chez eux, de manger en public ou de s’approcher d’un chien. Lui, c’était les ascenseurs, les clowns et, maintenant qu’il en avait pleinement conscience, tout ce qui touchait au domaine médical, hôpitaux, consultations chez le médecin, simples prises de sang. Et, même inconsciemment, il avait une petite idée de la raison. Son adolescence était passée par là…