"Carrie est partie, il reste plus que toi et moi et mon frère Aria" je regarde Norah dans ses beaux yeux bleus et je soupire en pensant que ce sera bientôt mon tour. j'ai toujours été orpheline. ou du moins je me souviens pas de qui j'étais avant. je sais juste que j'ai toujours été à Pasadena. au final on allait tous y passer. depuis déjà treize ans, j'avais vécu ici, à l'orphelinat catholique de Pasadena. enfin on peut pas dire que l'orphelinat est à l'intérieur même de la ville, mais juste à côté quoi. Norah me prend dans ses bras et me serre fort. je la sens renifler et je sais qu'elle essaye de se retenir le plus possible. c'est une fille forte et têtue. elle déteste montrer ses sentiments. moi je suis plus neutre, généralement je suis toujours de marbre envers les inconnus. son frère arrive, Enzo, celui que j'ai toujours aimé mais je n'ai jamais osé lui dire. on est une grande famille, moi, Norah, Carrie, Enzo et Kyle qui est déjà partie il y a un an. ici les enfants viennent et partent. ce sont souvent des familles chrétiennes qui adoptent. soit parce que madame ne peut pas faire d'enfant soit par pure bonté. j’appréhende toujours le jour ou on me dira que je suis prise, que j'ai été choisi. à vrai dire je ne veux pas que ce jour arrive. je les aime tous tellement. et même si les bonnes soeurs et le pasteur me font chier, je les aime quand même. je me vois mal vivre sans eux. on a tous planifié notre futur. on s'est dit que à notre majorité on partirait de Pasadena, on irait à Los Angeles ou Hawaï et on se ferait une énorme colocation. c'était notre rêve, partir d'ici ensemble. mais le départ de Kyle nous avait causé le doute. on ne savait plus si ça allait être possible et on sentait que la motivation n'était plus là. puis finalement on a arrêté de parler de notre colocation à Los Angeles. Norah était toujours motivée et elle nous répétait sans cesse d'y penser, d'y croire. mais Carrie n'y croyait plus, moi presque plus et le frère de Norah pareil. pendant un temps elle a été en colère contre nous et elle trainait avec d'autres enfants. mais le départ de Carrie nous a rapproché. "vous osez faire un câlin sans moi ?" Enzo se penche vers nous et nous prend aussi dans ses bras. à ce moment-là je craque. Norah rigole, mais de nervosité et je sens quelque chose d'humide s'étaler sur mes joues. un miracle, Norah la dure pleure. Enzo lui ne pleurer pas, mais je sens sa douleur et sa tristesse malgré sa petite blague. à mon tour je leur dis "on doit se promettre que quoi qu'il arrive, on se retrouvera à notre majorité, ici et après on ira à Los Angeles." on rigole tous. le fait de rire nous redonne le sourire. puis on nous appelle pour la prière quotidienne. on se lève et nous allons dans la salle, se tenant tous par la main.

les larmes dégoulinent sur mes joues, mais j'essaye de me contenir. c'est mon tour cette fois. j'ai même pas eu le temps de dire au revoir à Norah et Enzo. ils m'ont prit dès le matin dans notre chambre. j'ai crié et Norah et Enzo aussi, ils ont essayé de m'aider, mais ils étaient plusieurs et on les tenait. j'avais pas envie de partir, pas du tout. connaitre cette nouvelle famille ne m'intéressait pas du tout, pourtant on m'y obligeait. j'avais crié et pleuré pendant tout le chemin. maintenant j'étais dans la salle de la mort. on l'appelle comme ça car c'est le dernier endroit ou on va avant de rencontrer la famille et partir. là-bas on vous relooke si on peut dire ça comme ça. vous devez prendre une douche, on vous donne des nouveaux habits et on vous coiffe. tout ça pour être présentable et montrer que l'adoption se prend au sérieux. moi j'ai juste envie de leur cracher dessus. ils ont pas le droit de nous prendre de force. je veux pas ! mais je dois me taire, sinon on va me donner une baffe et j'aime pas qu'on me frappe. je me laisse alors faire. une jupe noire et une chemise bleu clair m'attende sur une table. je les enfile après ma douche. on revient pour me coiffer. un chignon, heureusement que ce sont pas des tresses. pour une fille de quinze ans ça aurait fait tâche. puis on m'escorte jusqu'au bureau ou un homme et une femme s'y tiennent ainsi que le pasteur. ils sont tout souriant et leurs yeux brillent. on me chuchote de sourire et je me force. je cherche un moyen de fuir, mais il n'y a pas d'issue, je suis faite comme un rat. "Arizona, voici ta nouvelle famille, les Lewis." l'homme et la femme viennent vers moi et se présentent. je leur dis juste bonjour parce que j'ai pas envie de parler, sinon je vais encore pleurer et alors on me giflera. ils me prennent dans leurs bras et me disent combien ils sont heureux que je fasse partie de la famille. conneries.

je suis disons libre maintenant. ça fait six ans que je suis une Lewis et j'ai plus revu Carrie, Kyle, Norah ou Enzo. ils ont surement été adopté eux aussi. j'ai essayé de retourner à l'orphelinat, mais ils m'ont interdit d'y entrer. je pouvais pas faire grand chose. les Lewis avaient un fils, deux ans mon aîné. le courant est tout de suite passer avec lui. mais pas vraiment avec ses parents, ou les miens, bref. ils sont tous chrétiens et pratiquant et ils m'ont adopté parce qu'ils voulaient un autre enfant, mais la femme était trop vieille pour en avoir un autre et puis le père avait eu une maladie qui l'avait rendu stérile. on devait aller tout les dimanches à la messe et on mangeait du poisson tout les vendredis. on avait des temps de prière ensemble. sauf que je ne les prenais pas sérieusement et Dawid non plus. on était plus entrain de rigoler et de se faire des grimaces. alors ils nous enfermaient dans nos chambres et on devait y rester jusqu'à qu'on se calme. autant vous dire que ça pouvait durer des heures. puis on a grandit. et la chose s'est passée. j'avais dix huit ans et lui vingt. il m'avait aidé à faire le mur et on était allé ensemble à une soirée chez des amis à lui. j'avais de la chance d'être populaire au lycée pour pouvoir être inviter à ce genre de fête. mais de toute façon ça m'était égale. ce soir-là on a couché ensemble. il y avait déjà cette tension sexuelle entre nous. on aimait bien se taquiner ou même prendre des baisers volés à l'autre. on s'amusait à notre façon. mais on avait jamais été plus loin. surement parce que d'un côté c'était mon frère. nos parents n'avaient rien remarqué. ils étaient plus contents qu'on s'entende aussi bien. mais on a finalement couché ensemble. une erreur, mais qui nous a plut. alors on a recommencé, mais à la maison ou chez lui dans son appartement. on est pas vraiment amoureux. je remplis juste ma solitude en couchant avec lui et lui pareil. il est une sorte d'artiste incompris. il a toujours voulu faire des études de musique et aller à Los Angeles pour faire sa carrière, mais ses parents l'ont rabaissé et lui ont dit qu'il était fou. à notre manière on se réconforte. mais je sais que quand je retrouverais Enzo, notre relation ne sera plus pareil.